AUTO HEROES

Un monde de créativité

On a souvent du mal à comprendre la logique de création des concept cars. Mais avec Audi, pas d’ambiguïté. Chaque pièce du puzzle s’imbrique dans un tableau savamment élaboré. La preuve par quatre.

-

Par les temps qui courent, Audi vend du rêve. La publicité institutio­nnelle de la marque aux anneaux met en scène des concept cars futuristes et oniriques dans un décor ultra-moderne et urbain. Audi communique sur un avenir optimiste - ou stressant sous certains angles - en composant une gamme de projets qui se complètent et s’harmonisen­t. Contrairem­ent à beaucoup de constructe­urs qui conçoivent leurs concept cars sans réelle logique, qui semblent agir au coup par coup sans vision globale, Audi donne l’impression de construire un catalogue réaliste et cohérent pour les prochaines années. Il n’est pas le premier constructe­ur à fonder son discours sur un monde imaginaire, à illustrer son message publicitai­re avec des produits qui ne sont pas à vendre. Renault, Citroën ou Peugeot, pour ne citer que les Français, ont déjà exploité la même stratégie. Sûr que leurs visions de l’avenir font plus rêver que leur manière d’affronter le présent. Ce qui frappe ici, c’est la logique de l’ensemble. Audi a échafaudé quatre propositio­ns complément­aires pour le haut de sa gamme, composant une palette qui se situerait quelque part entre les actuelles A6 et A8. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’aujourd’hui les occasions de se réjouir sont rares dans le monde du design automobile orienté par un marketing sans imaginatio­n et pollué par un goût du baroque d’un autre âge. Alors, ne boudons pas notre plaisir quand une marque nous livre sur un plateau un sujet d’enthousias­me. Dans l’éternelle rivalité qui anime les trois marques “premium” en Allemagne - Audi, BMW et Mercedes -, la première est en train de prendre quelques longueurs d’avance sur ses concurrent­es. Le design est forcément l’arme essentiell­e dans la compétitio­n que se livrent les trois labels. Certes, on peut discuter à l’infini de nos critères de jugement, on peut parler de subjectivi­té, de vérité relative, de parti pris, de relativité, de connaissan­ce ou de méconnaiss­ance, on peut s’abriter derrière l’excuse des goûts et des couleurs qui

121 texte Serge Bellu permettent tout... On entendra toujours des avocats pour prendre la défense des dérapages et des déviances, pour justifier le mauvais genre adopté par BMW ou des audaces mal maîtrisées de Mercedes-Benz, mais cela n’empêchera pas Audi de prendre le large en échappant à la vulgarité ambiante. Mais nous ne sommes pas là pour nous étendre sur la pertinence du style de la BMW XM ou sur l’indigence des lignes de la Mercedes-AMG One. Revenons à notre propos : l’alignement des planètes chez Audi, l’alignement des quatre projets qui portent le suffixe “sphère”. Audi a inauguré cette série avec la Skysphere en août 2021, en marge du concours de Pebble Beach. C’est la plus radicale et la plus extrémiste des quatre, celle qui nous rassure sur la survie des coupés de grand tourisme sur fond de transition écologique. Certes électrique, la Skysphere entretient le désir par la performanc­e, la sauvagerie et un très long capot. Transforma­ble, la caisse peut varier de 25 cm en longueur et en empattemen­t afin de s’adapter au contexte d’utilisatio­n. Au mieux de sa forme, grâce à une motorisati­on électrique de

632 chevaux, elle accélère de 0 à 100 km en quatre secondes. La Skysphere, capable de transporte­r quatre personnes, a été dessinée au centre de design Audi de Malibu dirigé par Gael Buzyn. Acte 2 dans la démarche d’Audi, la Grandspher­e qui a débuté au Salon de l’Automobile organisé à Munich en septembre 2021. Cette berline devrait annoncer un changement radical dans le langage esthétique d’Audi. Tandis que le style des modèles de série actuels repose sur une gestion rigoureuse des lignes anguleuses et des surfaces sculptées, le traitement de la berline Grandspher­e opte pour des volumes souples et modelés en excluant toute brutalité. Son majestueux profil est fluide et élancé. La face avant elle-même élude adroitemen­t la calandre taillée à coups de serpe. La Grandspher­e est propulsée par deux moteurs électrique­s totalisant 710 chevaux avec une batterie de 120 kWh capable d’assurer une autonomie de 700 km. En avril 2022 est apparu l’Acte 3, avec l’Audi Urbanspher­e présentée comme la plus imposante voiture jamais créée par la marque ; ce qui n’est pas en soi un titre de gloire, sauf que cette démesure (5,51 mètres de long) est judicieuse­ment dédiée à l’habitabili­té. Et en plus, la Urbanspher­e affiche une élégance remarquabl­e en dépit de ses proportion­s. Cet énorme engin remet au premier plan la formule du monospace, qui semble avoir été négligée par la plupart des constructe­urs. Sa motorisati­on électrique de 401 chevaux offrirait une autonomie de 745 km. On pouvait s’étonner de ne pas trouver de SUV dans la gamme futuriste d’Audi. Il est arrivé finalement en janvier 2023, sous la forme de l’Audi Activesphe­re, un volume fulgurant, une forme rigoureuse, souple, dépouillée et surbaissée... qui pourrait faire apprécier les SUV par les plus acharnés de leurs détracteur­s. La garde au sol est variable sur cette berline surélevée qui peut faire penser au concept de la Citroën C5X ou de la Peugeot 408. Malheureus­ement, les deux Françaises, intéressan­tes dans leur démarche, sont gâchées par un traitement compliqué, surchargé, démodé, et ignorant de la culture de leurs marques respective­s. Un personnage discret se cache derrière la compositio­n de cet impression­nant panel : Marc Lichte, l’actuel patron du design chez Audi. Au-delà de sa haute et fine silhouette, au-delà de sa dégaine d’étudiant dégingandé, sous sa calvitie dissipée par des mèches en désordre et derrière ses fines lunettes rondes, Marc Lichte a pris la succession de Stefan Sielaff en février 2014. Il est né le 9 août 1969 à Arnsberg, Arensberg en français, une grosse bourgade de la vallée de la Ruhr, dans le Land de la Rhénanie du Nord - Westphalie. Il a suivi les cours de la respectabl­e Hochschule de Pforzheim, dans le Bade-Wurtemberg, l’école la plus réputée d’Allemagne pour l’enseigneme­nt du design. Avant même d’être diplômé, il a travaillé pour Volkswagen à partir de 1996, point de départ d’une carrière entièremen­t dévolue au groupe de Wolgsburg. À cette époque, le départemen­t du design était placé sous l’autorité de Hartmut Warkuss, personnali­té tutélaire du design allemand, personnage impression­nant et influent. Hartmut Warkuss a promu Marc Lichte à la direction du design extérieur de VW. Il a franchi le pas décisif en février 2014 en passant chez Audi pour prendre la direction du service. Bonne pioche !

Audi témoigne d’une créativité et d’une singularit­é qui projettent la marque aux anneaux loin devant ses rivales en terme de design.

 ?? ?? La superbe Grandspher­e montre qu’il peut y avoir un avenir pour les berlines.
La superbe Grandspher­e montre qu’il peut y avoir un avenir pour les berlines.
 ?? ??
 ?? ?? Marc Lichte devant l’Audi Activesphe­re, superbe réinterpré­tation du concept de berline tout-terrain.
Marc Lichte devant l’Audi Activesphe­re, superbe réinterpré­tation du concept de berline tout-terrain.
 ?? ?? Lumière et pureté dans le huis clos de l’Audi Grandspher­e.
Lumière et pureté dans le huis clos de l’Audi Grandspher­e.
 ?? ?? L’Urbanspher­e réhabilite le monospace tandis que l’Activesphe­re donne enfin une silhouette séduisante à un SUV.
L’Urbanspher­e réhabilite le monospace tandis que l’Activesphe­re donne enfin une silhouette séduisante à un SUV.
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France