François Aubart
L’Attitude de la Pictures Generation
Presses du réel, 215 p., 28 euros
La Pictures Generation a-t-elle échappé à son inventeur ? On sait que ce courant apparu à New York à la fin des années 1970 et caractérisé par l’appropriation critique des images des médias de masse doit son nom à Douglas Crimp qui rédigea le texte de l’exposition Pictures à l’Artists Space en 1977 et publia l’article « Pictures » dans la revue October deux ans plus tard. Mais on sait moins, et c’est tout l’intérêt du livre de François Aubart, que quand le critique parlait de copie et de signes à interpréter, les artistes répondaient par amplification et affects à éprouver. En effet, lorsque Dara Birnbaum, Jack Goldstein, Barbara Kruger, Robert Longo, Cindy Sherman, etc. s’emparent d’une imagerie existante, ils l’altèrent, la dramatisent, la spectacularisent pour créer des effets psychologiques qui s’inspirent de ceux produits par la presse, la publicité, la télévision, le cinéma ou la propagande, mais sans en avoir l’univocité normative. Partant de l’exposition de 1977, explicitant le contexte théorique, étudiant les oeuvres – photographies, peintures, films, mais aussi performances et textes –, analysant les propos des critiques et des artistes, insistant à chaque fois sur ce qui les singularise, Aubart évolue avec clarté dans la constellation foisonnante de la Pictures Generation. L’attitude de ces artistes, que l’auteur distingue sans concession de la position qui se tient, réside dans l’ambiguïté qui caractérise autant leurs intentions que leurs oeuvres et apparaît dans leur postérité immédiate et divergente : d’un côté, l’art de la marchandise qui fait des oeuvres des produits et sacrifie au marché, de l’autre, l’art activiste qui, face à l’explosion du sida, emprunte aux médias leur pouvoir de suggestion et, ironie de l’histoire, trouve en Crimp l’un de ses principaux hérauts.