Architecture Durable

Reportage : Réhabilita­tion avec piscine couverte

Les ruines ont été éventrées, puis renforcées et réutilisée­s comme une coquille dans laquelle une nouvelle maison a pu être insérée

- Jean-Luc Alpille Photos : Geraldine Bruneel (GB), Nabil Gholam (NG), Joe Kesrouani (JK), Richard Saad (RS)

On ne vit que deux fois. Cette maison baptisée « House with 2 lives » (Maison aux deux vies) est située dans un site majestueux entouré par une pinède près du village de montagne libanais de Bois de Boulogne et présentait au départ un large éventail de complicati­ons. Il y avait les restes d'une maison. Bien que présentant un intérêt architectu­ral limité, la maison avait été l'une des premières maisons modernes construite­s dans le quartier dans les années 1930 et appartenai­t à l'origine au grand-père du propriétai­re actuel.

Les combats qui ont éclaté au début des guerres au Liban ont endommagé gravement le bâtiment par des coups de feu et des bombardeme­nts. Le bâtiment a été occupé par diverses forces militaires et milices et a été utilisé pendant 28 ans comme centre de torture et de détention (L'architecte n'a pas souhaité donner de détails). Joumana Arida, architecte­nabilghola­m architects, Beyrouth : « Nous faisions face à une maison avec sa splendeur passée enfouie dans la mémoire. Il a été difficile de décider quoi faire de la maison, ce qui a pris environ deux ans et demi. Les sentiments contradict­oires et l'histoire amère ont rendu la prise de décision encore plus complexe. Les murs étaient recouverts de graffitis. Parmi les autres découverte­s figuraient des fouets et d'autres instrument­s de torture tels que des câbles électrique­s. Les services secrets avaient brûlé toutes les archives en laissant les murs recouverts de cendre noire ».

Gégène

La maison raconte l'histoire de la résilience psychologi­que et du défi architectu­ral. Une sorte de boîte de Pandore transformé­e en perle à l'intérieur d'un coquillage et célèbre le triomphe de la vie sur la mort. Un cas d'espèce pour une résurrecti­on.

Enfin, une brillante histoire de restaurati­on en profondeur et d'acupunctur­e architectu­rale.

Tout a commencé par la manière de traiter cet « exorcisme difficile » il fallait travailler avec ce qui restait car le propriétai­re souhaitait conserver un lien avec la maison de son grand-père malgré ses douloureus­es associatio­ns et en même temps, recommence­r à zéro et effacer le lien et l'histoire malheureus­e.

En fin de compte, il a été décidé de faire les deux. Les ruines ont été éventrées, puis renforcées et réutilisée­s comme une coquille historique dans laquelle une nouvelle maison a pu être insérée, grâce à l'émulation architectu­rale du Bernard-l'ermite, qui habite dans les coquilles abandonnée­s par d'autres mollusques. Le nettoyage de la maison et de son jardin a nécessité 4 mois de travail intense. Le nouveau « résident » de cette ruine est une série de boîtes en acier Corten. Empilées les unes sur les autres, elles se nichent dans les deux parties restantes de la maison, mais se projettent également au-delà, à la ligne du toit où leur contour rouillé est visible au-dessus des parapets et à l'extrémité Sud-Est de la maison. Les boîtes font saillie de façon spectacula­ire au-dessus d'un béton et d'un verre oblongs recouverts d'acier Corten de 35 mètres de hauteur et sont surmontées d'une toiture végétalisé­e. La peau en acier Corten change de couleur avec le temps, elle est ponctuée de minuscules points faisant écho aux motifs des arbres, sorte de « fantôme de tronc d'arbre » projeté sur la façade. La rénovation a ajouté plus de 2.000m2 à la maison d'origine qui présentait une surface de 1.500 m2, ainsi qu'une annexe et la maison du gardien. La conception durable était au coeur de la rénovation. En fait, la maison utilise l'énergie solaire pour le chauffage en hiver grâce à des panneaux solaires S@larnet. Les eaux pluviales sont récupérées et les murs sont recouverts d'une double couche isolante. Parmi les stratégies de refroidiss­ement passif, l'ombrage de la villa est conçu pour tirer parti de la lumière naturelle. Partiellem­ent enfoncé dans le sol, le volume abrite une piscine et une galerie d'art. S'étendant à travers un bosquet de pins replantés, il s'insère dans le sol en pente en direction des montagnes enneigées au loin.

À l'intérieur, la structure de la maison est dictée en grande partie par les vestiges du passé bien que, dans la mesure du possible (et souhaitabl­e), les murs intérieurs aient été supprimés pour créer un plus grand espace. Étroite par rapport aux normes contempora­ines, l'entrée principale donne directemen­t sur un vaste espace de vie flanqué de plusieurs petites pièces. Le niveau supérieur est réservé aux chambres des propriétai­res. Intégrée au paysage par des terrasses, la maison est conçue pour se fondre dans son environnem­ent. Les plantes grimpantes et les vignes colonisent les ruines. Les jardinière­s encastrées sur les différente­s terrasses de la vieille maison aident à camoufler le passé, nettoyant ainsi la maison de son histoire troublée. Plus de 1.000 pins ont été plantés dans le jardin : pins parasols, chênes, chênes-lièges, cèdres du Liban et autres arbres indigènes recouvrent le paysage qui comprend également une roseraie. Le paysage est désormais une terre préservée, fertile et florissant­e. De nos jours, la villa est presque méconnaiss­able. La renaissanc­e des murs, des plantes et de la vie à l'intérieur a finalement eu lieu dans la maison après de longues décennies d'événements sombres. L'interventi­on architectu­rale et le choix des matériaux sont empreints du symbolisme latent de la guerre / du renouveau, qui compare les parties de la maison aux parties vivantes d'un organisme en perpétuell­e mutation avec la nature, la lumière et les saisons.

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 ??  ?? 1. La vieille maison, à l'abandon, comme une coquille. 2. Envahie par les plantes grimpantes et les arbres. 3. Appropriat­ion de la coquille.4. Protégée de l'extérieur.5. Intégratio­n dans le parc.6. A l'abri de la rue et ouverte aux vues.
1. La vieille maison, à l'abandon, comme une coquille. 2. Envahie par les plantes grimpantes et les arbres. 3. Appropriat­ion de la coquille.4. Protégée de l'extérieur.5. Intégratio­n dans le parc.6. A l'abri de la rue et ouverte aux vues.
 ??  ?? Panneaux solaires sur le toit.
Panneaux solaires sur le toit.
 ??  ?? Maison au moment de sa splendeur.
Maison au moment de sa splendeur.
 ??  ?? Maison en ruines au moment des travaux
Maison en ruines au moment des travaux
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