DES SONS DU VOYAGE À LA PLACE DES NOTES
Chassol et Oy enregistrent des prises sonores réelles
Chassol appelle ça des « ultrascores, parce qu’il faut bien donner un nom à ce que je fais. » Après La NouvelleOrléans pour Nola Chérie, il est allé en Inde pour créer Indiamore, objet hybride mêlant sons et images enregistrés sur place à des compositions de son cru. « Ce genre de création est clairement un prétexte pour voyager », explique le musicien. Adepte de la musique concrète, qui utilise des sons de la vie réelle, Chassol s’est senti plus « artiste et auteur » en allant chercher ses sons et ses images propres.
Travail plus honnaête
Joy Frempong (alias Oy) est partie en Afrique avec ses enregistreurs portables en bandoulière, afin d’élaborer son album Kokokyinaka (sortie le 25 avril). Chez les Ashantis, le nom désigne l’oiseau qui leur apporté les percussions, le rythme. Pendant deux mois, la Suisso-Ghanéenne a sillonné l’Afrique de l’Ouest, avant de faire halte en Afrique du Sud. Dans ses Zoom H4N et Olympus LS-5, un pêle-mêle de bruits du quotidien : aiguiseur de couteaux sur un marché, portières de voitures déglinguées qui claquent, feuilles sèches, conversations dans un bus, feux d’artifice… Chassol s’est longtemps fait une spécialité de mettre en son les images, pour la télé et le cinéma, puis pour lui-même en « harmonisant des vidéos » glanées sur YouTube lors de nuits blanches créatrices. « Mais aller chercher des sons réels m’a permis de me re- nouveler et d’affiner mon travail, qui est plus accompli et aussi plus honnête. » De son côté, Oy avait acheté son premier sampleur à l’âge de 17 ans. « J’aime construire mes propres sons, plutôt qu’avoir recours à un instrument quelconque. »
Mélodie de la paire de baskets
Pour Kokokyinaka, elle a commencé à couper sa matière sonore lors de son dernier séjour à Johannesburg, afin de construire des boucles : « Par exemple dans le crissement d’une paire de baskets sur le sol, on peut trouver une mélodie intéressante. » Puis, à Berlin, pour l’enregistrement de l’album, le batteur Lleluja-Ha a entrelacé les boucles de ses rythmes. Chassol assume ses images en boucle et ses phrases musicales obsédantes et voit cette pratique « comme une hygiène, comme les peintres qui réalisent des séries sur les mêmes motifs ». Aller chercher des images à l’étranger, se frotter à des cultures exotiques lui ont permis d’« exporter des obsessions sonores » et de les confronter à « des images et des situations surprenantes. C’est pour ça qu’on voyage après tout. » « Les photos et les vidéos sont ce que les gens rapportent le plus souvent de leurs voyages, pas les sons, explique Oy. Pourtant, c’est aussi un moyen de se remémorer des souvenirs. Comme un album photo. »