20 Minutes (Lille)

L’abstention record aux élections a ses raisons

Avec 84% d’abstention lors des élections régionales, Roubaix a établi un triste record. Explicatio­ns.

- François Launay

Les élections passent et la participat­ion trépasse. Avec 84 % d’abstention dimanche aux élections régionales et départemen­tales, la troisième ville des Hauts-de-France (98 000 habitants) a établi un triste record régional. « Le degré d’intérêt pour la politique est corrélé au niveau de l’éducation, de l’insertion sociale et profession­nelle, analyse Julien Talpin, chercheur au CNRS et spécialist­e du vote à Roubaix. Or, à Roubaix, le taux de chômage est important, le niveau d’éducation est plus faible qu’ailleurs. Tout ça contribue à créer une distance avec la politique. »

Et le fossé continue de se creuser. « C’est très dur de s’identifier à des représenta­nts qui ne vous ressemblen­t pas, qui ne sont pas issus des mêmes milieux sociaux, qui n’ont pas la même expérience de la vie que vous, poursuit le chercheur. Et puis, il y a aussi une désagrégat­ion des organisati­ons partisanes. Il n’y a plus de relais du discours politique, d’intermédia­ires dans les quartiers. » Conseiller municipal délégué à la vie associativ­e à Roubaix, Pierre-François Lazzaro s’est rendu compte de cette petite fracture lors de la campagne des départemen­tales : « Quand on publie sur les réseaux sociaux, ce sont toujours nos militants qui likent. On ne va pas chercher d’autres voix. Il faut aller parler aux gens sur le terrain. »

Changer les règles du jeu démocratiq­ue ?

Mais serrer des mains sur le marché ne suffira pas à remettre les gens sur le chemin des urnes. Pour Vincent Boutry, c’est toute la façon de faire de la politique qui est à réinventer, si on veut lutter contre l’abstention. Président de l’Université populaire et citoyenne (UPC) de Roubaix, ce militant associatif est très engagé dans la démocratie participat­ive. « Aujourd’hui, le système de représenta­tion ne fonctionne plus, détaille-t-il. Les gens ne veulent plus donner de blanc-seing aux élus, ils veulent vraiment être écoutés. Leurs problèmes, c’est l’emploi, la santé, l’éducation, la sécurité. Si on arrive à mettre en débat des politiques publiques, les gens répondront présents. »

Reste à convaincre les politiques de changer les règles du jeu démocratiq­ue, via une grande réforme institutio­nnelle. « Bien souvent, les profession­nels de la politique n’ont pas intérêt à changer les règles du jeu qui les ont amenées au pouvoir, estime Julien Talpin. On l’a vu au niveau national, avec la convention citoyenne pour le climat, ou encore le RIC, réclamé par les gilets jaunes. Tout ça a suscité beaucoup de déceptions. » Un avis partagé par Pierre-François Lazzaro : « Ça ne sert à rien de demander aux gens la couleur du toboggan pour leur parc. Ils veulent surtout savoir s’ils vont être relogés ou sécurisés. Il faut les rassurer. » Des petits pas qui restent insuffisan­ts pour changer une situation qui ne fait qu’empirer. « Si, d’élection en élection, on continue à voir l’abstention augmenter, à un moment donné, ça va péter », constate Vincent Boutry. Mais le pire peut encore être évité. « Jusque dans les années 1970, on votait plus à Roubaix que dans le reste de la France, conclut Julien Talpin. C’est une question de travail politique et de travail militant pour susciter la participat­ion. »

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M. Libert / 20 Minutes
 ?? M. Libert / 20 Minutes ?? D’élection en élection, les Roubaisien­s n’en finissent plus de déserter les urnes.
M. Libert / 20 Minutes D’élection en élection, les Roubaisien­s n’en finissent plus de déserter les urnes.

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