20 Minutes (Bordeaux)

Attention, il y a un gros lézard

Si rien n’est fait, «il n’y aura plus de lézard vivipare dans le triangle landais d’ici dix à quinze ans», affirment des scientifiq­ues

- Mickaël Bosredon

Le Lézard vivipare est-il menacé d’extinction dans le triangle landais ? C’est ce qu’affirment des scientifiq­ues dans le cadre du programme scientifiq­ue de l’associatio­n Cistude Nature, Les sentinelle­s du climat. La génétique, les observatio­ns des population­s sur le terrain, la morphologi­e, la physiologi­e (l’étude du fonctionne­ment de l’organisme) convergent en effet vers une grande fragilité de l’espèce vis-àvis du réchauffem­ent climatique et un risque imminent d’extinction locale. Si on continue sur le même rythme, «il n’y aura plus de lézard vivipare dans le triangle landais d’ici dix à quinze ans», affirme Andréaz Dupoué, du CNRS de Moulis (Ariège).

Un collectif de chercheurs du CNRS s’est associé à l’équipe de Cistude Nature pour conduire une étude génétique. Via des prélèvemen­ts de salive, le génome de plusieurs population­s a été étudié, en allant des zones humides des plaines jusqu’aux prairies d’altitude et tourbières des Pyrénées. Pour Andréaz Dupoué, «les résultats sont édifiants, non seulement les lézards vivipares sont bien moins abondants dans le massif landais, mais ils ont un patrimoine génétique nettement différent des autres population­s, un plus fort taux de consanguin­ité visiblemen­t concomitan­t à une interrupti­on du flux de gènes entre les population­s.»

D’autres espèces menacées

L’étude s’est focalisée sur les population­s de lézard vivipare du triangle landais, c’est-à-dire en Gironde et dans les Landes, « qui sont des population­s distinctes de celles que l’on trouve dans les Pyrénées, ou plus au nord dans le Limousin », précise Maud

Berroneau. A savoir qu’au sein de cette même espèce, il existe des formes vivipares et ovipares. Par ailleurs, le lézard vivipare est une espèce particuliè­rement adaptée au froid, capable de passer des hivers dans des zones contraigna­ntes pour d’autres espèces, jusqu’en Scandinavi­e. « Elle est donc à l’avant-garde des espèces qui vont être impactées par le changement climatique, analyse Andreaz Dupoué. Et on peut s’attendre à ce que d’autres espèces, comme le lézard des murailles, soient touchées, mais plus tard.» La répétition des années sèches est une partie de l’explicatio­n, mais pas seulement. « Les assèchemen­ts répétés des zones humides dus au drainage, à l’exploitati­on du pin maritime, l’urbanisati­on, la baisse des précipitat­ions » sont également en cause. «En à peine un siècle, les niveaux d’eau des lagunes dans le triangle landais ont baissé d’au moins trois mètres ce qui est énorme, assure Maud Berroneau, et dans les 30 dernières années, 65 % d’entre elles se sont asséchées. C’est allé très vite.» « Le drainage de ces zones est le facteur le plus critique pour cette espèce », assure Andreaz Dupoué, qui ajoute que «tout un cortège d’espèces qui vont avec [insectes, oiseaux, plantes…] » sont aussi menacées.

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Via des prélèvemen­ts de salive, le génome de plusieurs population­s a été étudié.

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