Attention, il y a un gros lézard
Si rien n’est fait, «il n’y aura plus de lézard vivipare dans le triangle landais d’ici dix à quinze ans», affirment des scientifiques
Le Lézard vivipare est-il menacé d’extinction dans le triangle landais ? C’est ce qu’affirment des scientifiques dans le cadre du programme scientifique de l’association Cistude Nature, Les sentinelles du climat. La génétique, les observations des populations sur le terrain, la morphologie, la physiologie (l’étude du fonctionnement de l’organisme) convergent en effet vers une grande fragilité de l’espèce vis-àvis du réchauffement climatique et un risque imminent d’extinction locale. Si on continue sur le même rythme, «il n’y aura plus de lézard vivipare dans le triangle landais d’ici dix à quinze ans», affirme Andréaz Dupoué, du CNRS de Moulis (Ariège).
Un collectif de chercheurs du CNRS s’est associé à l’équipe de Cistude Nature pour conduire une étude génétique. Via des prélèvements de salive, le génome de plusieurs populations a été étudié, en allant des zones humides des plaines jusqu’aux prairies d’altitude et tourbières des Pyrénées. Pour Andréaz Dupoué, «les résultats sont édifiants, non seulement les lézards vivipares sont bien moins abondants dans le massif landais, mais ils ont un patrimoine génétique nettement différent des autres populations, un plus fort taux de consanguinité visiblement concomitant à une interruption du flux de gènes entre les populations.»
D’autres espèces menacées
L’étude s’est focalisée sur les populations de lézard vivipare du triangle landais, c’est-à-dire en Gironde et dans les Landes, « qui sont des populations distinctes de celles que l’on trouve dans les Pyrénées, ou plus au nord dans le Limousin », précise Maud
Berroneau. A savoir qu’au sein de cette même espèce, il existe des formes vivipares et ovipares. Par ailleurs, le lézard vivipare est une espèce particulièrement adaptée au froid, capable de passer des hivers dans des zones contraignantes pour d’autres espèces, jusqu’en Scandinavie. « Elle est donc à l’avant-garde des espèces qui vont être impactées par le changement climatique, analyse Andreaz Dupoué. Et on peut s’attendre à ce que d’autres espèces, comme le lézard des murailles, soient touchées, mais plus tard.» La répétition des années sèches est une partie de l’explication, mais pas seulement. « Les assèchements répétés des zones humides dus au drainage, à l’exploitation du pin maritime, l’urbanisation, la baisse des précipitations » sont également en cause. «En à peine un siècle, les niveaux d’eau des lagunes dans le triangle landais ont baissé d’au moins trois mètres ce qui est énorme, assure Maud Berroneau, et dans les 30 dernières années, 65 % d’entre elles se sont asséchées. C’est allé très vite.» « Le drainage de ces zones est le facteur le plus critique pour cette espèce », assure Andreaz Dupoué, qui ajoute que «tout un cortège d’espèces qui vont avec [insectes, oiseaux, plantes…] » sont aussi menacées.