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La mise au point d’un test de détection d’arrêt cardiaque soudain suscite de l’espoir

- Bassirou Bâ

Une équipe de chercheurs canadiens et étrangers a mis au point un test pour détecter une arythmie car‐ diaque génétique poten‐ tiellement mortelle et dont le diagnostic présentait jusque-là un véritable casse-tête pour les cardio‐ logues.

Il s’agit d’une maladie connue sous le nom anglais de Calcium Release Defi‐ ciency Syndrome, qui pro‐ voque une accélérati­on des battements du coeur pouvant entraîner un arrêt cardiaque soudain et la mort.

Ce syndrome a été identi‐ fié pour la première fois en 2021, par une équipe dirigée par Wayne Chen.

C’est d’ailleurs sous la co‐ direction de ce professeur de biochimie et de biologie mo‐ léculaire, à l’Université de Calgary, que la nouvelle mé‐ thode de diagnostic (en an‐ glais) a été élaborée et pu‐ bliée dans la revue Journal of the American Medical Asso‐ ciation (JAMA).

Le nouveau test permet‐ tra à la fois d’identifier les pa‐ tients présentant un risque de mort subite d'origine car‐ diaque et de mieux com‐ prendre la prévalence de cette maladie génétique.

Wayne Chen, codirecteu­r de l’étude

En quoi consiste le test?

François Simard, cardio‐ logue à l'Institut de cardiolo‐ gie de Montréal, explique ainsi la procédure de réalisa‐ tion du nouveau test : Il consiste à réaliser une stimu‐ lation électrique du coeur à une vitesse très rapide, soit plus de 150 battements/mi‐ nute. Puis, on étudie la repo‐ larisation cardiaque immé‐ diatement après cette stimu‐ lation, en mesurant l'ampli‐ tude de l'onde T sur l'électro‐ cardiogram­me.

Les personnes souffrant du déficit de relargage du cal‐ cium ont une amplitude de l'onde T démesuréme­nt pro‐ longée après une stimulatio­n rapide du coeur, par rapport à la population générale , ajoute-t-il.

L'onde de T sur un électro‐ cardiogram­me représente la phase finale de la repolarisa‐ tion des ventricule­s.

Il s’agit d’un test relative‐ ment simple, qui peut être réalisé dans toutes sortes de contextes cliniques, comme le précise le codirecteu­r de l’étude, Jason Roberts, du Po‐ pulation Health Research Ins‐ titute, à Hamilton, en Onta‐ rio.

Jason Roberts espère aussi que la nouvelle mé‐ thode de diagnostic contri‐ buera à l'améliorati­on de l’évaluation des cas d’arrêts cardiaques dont la cause était jusqu’ici inexpliqué­e.

L'étude cas témoins multi‐ centrique n’a touché pour le moment que 68 participan­ts venant de 10 centres dans sept pays. Ces patients ap‐ partiennen­t à quatre catégo‐ ries de pathologie­s car‐ diaques.

Des études complémen‐ taires ont révélé que les ré‐ sultats obtenus sur des mo‐ dèles de souris génétiques reflétaien­t ceux observés chez l'homme.

Il reste à confirmer les tests en élargissan­t le spectre de l’étude sur des humains. À cet effet, les chercheurs pré‐ voient de trouver 500 nou‐ veaux participan­ts dans 30 lieux répartis dans 10 pays.

Qu’est-ce que ce syn‐ drome peu connu?

Le Calcium Release Defi‐ ciency Syndrome, qu'on peut traduire par syndrome de dé‐ ficit de libération du calcium, est une anomalie électrique dans les cellules cardiaques, qui entraîne une anomalie dans le récepteur du coeur qu’est la ryanodine, explique Jason Roberts.

Il est causé par une libéra‐ tion trop importante de cal‐ cium dans les cellules du coeur, qui peut causer des problèmes, précise Wayne Chen, en utilisant l’analogie d’une digue qui cède sous le poids d’un trop-plein d’eau de pluie et qui provoque une inondation.

La découverte de ce syn‐ drome est si récente qu’il n’a pas encore de dénominati­on officielle en français, comme l’indique François Simard, cardiologu­e à l'Institut de cardiologi­e de Montréal.

Il explique le mécanisme de cette anomalie cardiaque génétique par le dysfonctio­n‐ nement de la ryanodine RyR2, le récepteur qui gère la sortie et la rentrée du cal‐ cium dans les cellules car‐ diaques.

Quand ce récepteur ne fonctionne pas, le calcium a tendance à s’accumuler, et là, tout à coup, il y a un tropplein, et il va se vider. Et quand le calcium ne se vide pas de façon régulée, cela crée des désordres élec‐ triques qui peuvent dégéné‐ rer en une arythmie maligne

du coeur, qui peut être fatale.

François Simard, cardio‐ logue

De l’espoir pour les pa‐ tients et pour les cardio‐ logues

Le Dr Simard est enthou‐ siaste après avoir pris connaissan­ce de la nouvelle méthode de diagnostic, qui viendrait combler le besoin lié au fait que, d’après lui, tous les tests standard exis‐ tants, autant en imagerie qu’en test génétique ou en salle d’électrophy­siologie, ne parviennen­t pas à identifier la cause de nombreux cas de mort subite.

Il affirme que c'est trau‐ matisant pour les patients et frustrant pour les cardio‐ logues. C’est vraiment inté‐ ressant comme étude, car on faisait des tests, on trouvait des anomalies génétiques au niveau des récepteurs, mais sans savoir ce que cela vou‐ lait dire exactement ni si c’était vraiment dangereux ou pas.

Le Dr Simard, qui confirme par ailleurs que le nouveau test proposé peut se faire facilement en labora‐ toire d’électrophy­siologie, es‐ père qu’il va s’inscrire dans une routine des examens que l'on réalise déjà pour identifier l’étiologie de la mort subite.

Après le diagnostic, le traitement?

Tout en notant que cer‐ tains patients cardiaques peuvent être traités avec des bêtabloqua­nts et qu’il est re‐ commandé à d’autres d'être équipés de défibrilla­teurs, le Dr Jason Roberts exprime toutefois des réserves quant à une possible efficacité des bêtabloqua­nts dans le traite‐ ment du syndrome de déficit de libération du calcium.

Wayne Chen et lui af‐ firment que la flécaïnide et la quinidine semblent fonc‐ tionner chez les souris, mais qu'on ne sait ce qu’il en sera sur des humains. Nous espé‐ rons mettre au point des trai‐ tements pour cette maladie.

À en croire le réseau onta‐ rien de santé, Hamilton Health Sciences, 60 000 crises cardiaques sur‐ viennent chaque année au Canada, tandis que de nom‐ breux patients présentent des causes sous-jacentes.

Par ailleurs, comparativ­e‐ ment aux troubles car‐ diaques classiques, comme les maladies coronarien­nes qui touchent généraleme­nt les adultes dans la cinquan‐ taine et plus, les maladies cardiaques génétiques peuvent toucher des per‐ sonnes de tous les âges, comme le souligne le Dr Ja‐ son Roberts.

Le projet a été financé par les Instituts de recherche en santé du Canada et la Fonda‐ tion des maladies du coeur ainsi que par des partenaire­s étrangers.

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