L’exposition rétrospective Riopelle : À la croisée des temps arrive au Manitoba

Après avoir été présentée à Ottawa, l’exposition rétros‐ pective organisée pour le 100e anniversaire du peintre canadien Jean-Paul Riopelle ouvrira au Musée des beaux-arts de Winni‐ peg vendredi soir. La com‐ missaire Sylvie Lacerte in‐ dique que dans son envi‐ ronnement manitobain, l'exposition est différente de ce qu'on a pu voir jus‐ qu'ici.

C'est la même exposition, mais c'est une autre exposi‐ tion, présentée différem‐ ment, mais tout aussi perti‐ nente et fascinante à mon avis, dit celle qui a choisi les quelque 130 oeuvres de Rio‐ pelle qui composent la pro‐ position.

La commissaire indépen‐ dante s’est fait donner le défi de démontrer la pertinence du legs du peintre d’origine québécoise, plus de 20 ans après sa mort. Celui qui a vécu de 1923 à 2002 aurait eu 100 ans en 2023.

Sylvie Lacerte présente l'héritage de Riopelle en sé‐ parant les créations par dé‐ cennie, des années 1940 aux années 1990. Elle a égale‐ ment décidé d’inclure le tra‐ vail d’autres artistes dont les créations sont liées à celles de Riopelle. L’objectif est de créer un dialogue entre les différentes propositions.

Selon Mme Lacerte, après l’exposition au Musée des beaux-arts du Canada, de nouveaux liens entre les oeuvres se sont créés en les installant dans un nouvel es‐ pace.

À Ottawa, les salles étaient plus faites de façon li‐ néaire, explique la commis‐ saire. Mais ici, on peut être dans les décennies des an‐ nées 40 et 50 et on peut voir des oeuvres des années 80, 90.

Le cheminement par dé‐ cennie fonctionne toujours. Mais il y a des points de vue qui nous permettent de créer des dialogues entre des oeuvres pour lesquelles il n'y avait pas eu nécessairement de dialogue à Ottawa, ajoutet-elle.

Le directeur du Musée des beaux-arts de Winnipeg, Stephen Borys, se dit honoré de présenter au public du Manitoba l’héritage d’un ar‐ tiste qui a longtemps été le peintre canadien le plus connu à l’international.

Nous sommes très heu‐ reux de présenter son travail ici, d’autant plus que Winni‐ peg et sa très importante po‐ pulation franco-manitobaine auront la chance de voir un grand artiste du Québec.

Stephen Borys, directeur du Musée des beaux-arts de Winnipeg

La plus grande partie de sa carrière s'est déroulée au Québec et en France, mais son influence s'est étendue bien au-delà du Canada, des États-Unis et de l'Europe,

ajoute M. Borys.

Un nouveau regard sur Riopelle

Le parcours de Jean-Paul Riopelle, qui est notamment connu pour avoir cosigné le manifeste du Refus global au Québec en 1948 et égale‐ ment pour avoir contribué aux mouvements artistiques du surréalisme et de l’abs‐ traction lyrique, a su sur‐ prendre l’historienne de l’art.

J'ai fait énormément de recherches pendant trois ans pour pouvoir choisir les oeuvres. Et moi, je suis allée de découverte en découverte et d'émerveillement en émer‐ veillement. Et donc je suis de‐ venue une vraie fan de Rio‐ pelle, raconte-t-elle.

Parmi ces découvertes, elle dit avoir été impression‐ née par la versatilité de cet artiste.

Je n’avais jamais réalisé à quel point son travail avait évolué au fil du temps. [...] Donc il ne faisait pas qu'une chose à l'intérieur d'une dé‐ cennie, il faisait des encres, des aquarelles, il pouvait faire des pastels, il pouvait faire des estampes, de la sculpture, des collages.

Sylvie Lacerte, commis‐ saire

Elle dit affectionner parti‐ culièrement les oeuvres des années 1990, une période lors de laquelle les derniers tableaux de l’artiste ont été créés.

Riopelle a peint en 1992 L’Hommage à Rosa Luxem‐ burg, une grande fresque créée à la suite de la mort de Joan Mitchell, une peintre avec qui il a partagé de nom‐ breuses années de sa vie. Il s’agit d’une de ses oeuvres les plus célèbres.

Les autres oeuvres que l’artiste a produites durant cette période de sa vie ont été beaucoup moins vues par le public. Sylvie Lacerte

en a sélectionné deux qui sont, selon elle, dans le même style que ce qu’il a uti‐ lisé pour L’Hommage à Rosa Luxemburg. Elle espère ainsi présenter l'artiste sous un nouvel angle.

Entamer un dialogue entre les générations

Sylvie Lacerte a égale‐ ment sélectionné des créa‐ tions d’autres artistes qu’elle a voulu mettre en relation avec l’héritage de Riopelle.

L’une d’entre elles, créée par l'artiste québécois MarcAntoine K. Phaneuf, est pré‐ sentée dans une version ré‐ fléchie spécifiquement pour le Manitoba.

Intitulée Peinture cana‐ dienne (Riopelle), il s’agit d’un hommage à Jean-Paul Rio‐ pelle en cartes de hockey, le défunt peintre ayant été un grand amateur de ce sport.

L'objectif de M. Phaneuf est de recréer une mosaïque des années 50, mais en cartes de hockey, explique Sylvie Lacerte.

Pour cette version, il a choisi spécifiquement des cartes de joueurs des Jets de Winnipeg comme Teemu Se‐ lanne, Keith Tkachuk et Tie Domi.

Sylvie Lacerte a égale‐ ment fait appel à l’artiste d’origine iranienne Aïda Vo‐ soughi afin d’inclure son ins‐ tallation Les paysages dépla‐ cés II, créée en 2021.

Quand j'ai vu le travail qu’elle faisait, j’ai dit : wow! c’est vraiment incroyable, parce que c’est comme une mosaïque et on parle [dans l’exposition] des mosaïques des années 1950 de Riopelle, raconte-t-elle.

Mme Vosoughi présente une installation dans laquelle elle reproduit à l'aquarelle des images de lieux qui ont été détruits ces dernières an‐ nées par des conflits armés, des catastrophes naturelles ou d'autres circonstances.

La version de cette oeuvre présentée au Musée des beaux-arts du Canada a été adaptée pour l’espace dispo‐ nible à Winnipeg.

C’est vraiment extraordi‐ naire, parce qu’elle prend vraiment toute sa place, plus que jamais auparavant, s’ex‐ clame Sylvie Lacerte en re‐ gardant l’installation.

Les visiteurs peuvent éga‐ lement voir le travail de Caro‐ line Monnet, de Françoise Sullivan et de Manuel Ma‐ thieu, entre autres.

L’exposition Riopelle : À la croisée des temps est pré‐ sentée au Musée des beauxarts de Winnipeg jusqu’au 8 septembre prochain.