Radio-Canada Info

Du sud de la France, l’indépendan­tiste Puigdemont prépare son retour en Catalogne

- Tamara Altéresco

Il pleut des cordes dans le stationnem­ent du centre de loisirs d'Argelès-sur-Mer, mais quelques agents de sécurité bravent le torrent pour gérer la circulatio­n.

Les gens n'ont pas l’habi‐ tude des grands événements dans cette petite ville des Py‐ rénées occidental­es, mais de‐ puis deux semaines, il y a une espèce d’euphorie qui s’empare des lieux tous les soirs, vers 19 h.

C’est l'heure à laquelle une dizaine d'autobus ar‐ rivent remplis de Catalans qui débarquent, enthou‐ siastes, avec leur sourire et leur conviction.

Vite, vite, on va être en re‐ tard, lance une femme qui brandit le drapeau sang et or de la Catalogne et se préci‐ pite en courant vers l’entrée de l’auditorium, où des cen‐ taines de partisans sont déjà réunis.

Puigdemont pour pré‐ sident! scande une autre, le pas pressé pour trouver une chaise libre dans la grande salle où le rassemblem­ent s'apprête à commencer.

L'ambiance est à la fête avec de la musique et un ani‐ mateur qui réchauffe la foule, déjà survoltée.

La photo du leader indé‐ pendantist­e Carles Puigde‐ mont tapisse les murs, tout comme le slogan de sa cam‐ pagne électorale : La Cata‐ logne a besoin de l'indépen‐ dance.

La scène est presque sur‐ réaliste, puisque nous ne sommes pas en Espagne, mais en France, quoique à 20 kilomètres de la frontière, le plus proche que le chef indé‐ pendantist­e peut s'approcher de son pays où il risque la prison.

On est venu à lui parce qu’il est notre leader et il ne peut pas venir dans son pays. La justice et la police sont terribles en Espagne, dit Josep, avant de s'asseoir à son tour parmi la foule en‐ jouée qui attend, impatiente, de voir leur héros en chair et en os.

Ça fait presque sept ans que Carles Puigdemont est en exil.

Il vivait jusqu’ici en Bel‐ gique, car malgré un mandat d’arrestatio­n émis par Ma‐ drid, il jouit de l’immunité que lui confère son statut de député européen et peut cir‐ culer librement en Europe, un statut précieux auquel il est prêt à renoncer en se lan‐ çant dans la course à la prési‐ dence de la Catalogne, en vue des élections du 12 mai.

C’est donc ici, à 30 kilo‐ mètres de la frontière, qu’il a décidé d'installer son quar‐ tier général pour permettre à un maximum de Catalans de venir le voir.

Pour moi, c’est très im‐ pressionna­nt, lance Carles Puigdemont, que nous avons pu rencontrer avant qu’il ne monte sur scène.

C'est la première fois de‐ puis six ans et demi que je peux faire des rassemble‐ ments politiques en per‐ sonne, c'est-à-dire comme ça, en direct, sans un écran, sans la distance, dit-il, ému.

C'est très émouvant de voir cette extraordin­aire mo‐ bilisation qu'on a dû organi‐ ser, parce qu'il ne faut pas oublier qu'on fait la cam‐ pagne électorale encore avec des conditions d’anormalité démocratiq­ue.

Si, pour une majorité de Catalans, Carles Puigdemont est un héros persécuté, il est, pour beaucoup d’Espagnols, un présumé criminel en ca‐ vale.

Il est toujours accusé de sédition par Madrid, bien qu’une loi d'amnistie pourrait bientôt le blanchir, lui et ses collaborat­eurs, pour leur rôle dans la tentative avortée de sécession de la Catalogne le 1er octobre 2017.

Alors président de la ré‐ gion, Puigdemont avait orga‐ nisé puis déclaré unilatéral­e‐ ment l'indépendan­ce de la Catalogne, au terme d’un ré‐ férendum jugé illégal par Ma‐ drid.

Sa destitutio­n, sa fuite d’Espagne et l'emprisonne‐ ment de dizaines de ses col‐ lègues indépendan­tistes de‐ meurent à ce jour un des chapitres les plus tumultueux de la démocratie espagnole.

Un chapitre que Puigde‐ mont exploite au maximum sur le grand écran qui ra‐ conte la genèse son exil, pour rappeler que, malgré la distance, il n’a jamais quitté la direction de son parti, le Junts per Catalunya, et n’a surtout jamais abandonné la cause.

On n’a renoncé à rien, ab‐ solument rien, dit Carles Puigdemont, en entrevue avec Radio-Canada.

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