Une conférence sur le bien-être des Premières Nations sur fond de crises sociales
Alors que les Autochtones de l’Ontario sont en proie à des défis sociaux colos‐ saux, la première édition de la Conférence sur le bien-être des Premières Nations rassemble à To‐ ronto des centaines de par‐ ticipants. Au programme, des ateliers et des pistes de solutions pour améliorer la vie dans les communautés de la province.
Nous sommes réunis pour discuter de la question urgente de la santé et du bien-être des Premières Na‐ tions, du besoin urgent d'une approche holistique pour re‐ lever les enjeux auxquels nous sommes confrontés, déclare en entrevue Glen Hare, le chef régional du cha‐ pitre ontarien de l'Assemblée des Premières Nations, orga‐ nisation qui représente les 133 communautés autoch‐ tones de la province.
Et les heures sont graves, soutient le leader membre de la Première Nation ojibwée M’Chigeeng (West Bay) de l’île Manitoulin. Les défis sont nombreux, com‐ plexes et interdépendants. Nous ne recevons que très peu de fonds pour faire face à des besoins énormes qui vont des problèmes de santé mentale liés à la consomma‐ tion de drogue au manque de logement et d’infrastruc‐ tures adéquates, lance-t-il.
La conférence qui se dé‐ roule pendant trois jours dans la Ville Reine, orches‐ trée par le regroupement des chefs autochtones de l’Onta‐ rio, vise à rassembler les res‐ sources et les initiatives au‐ tochtones dont l’objectif est d’améliorer les conditions de vie dans les communautés.
Nous avons dans nos communautés des gens qua‐ lifiés qui travaillent fort et qui possèdent une expertise sur le terrain. Tout le monde est inclus : les travailleurs de première ligne, les aînés, les gardiens du savoir, les ex‐ perts et professionnels. Ce rassemblement sert à parta‐ ger nos expériences pour le bien de tous.
Des facteurs tels que l'égalité des revenus, l’accès au logement, la survie de nos langues ancestrales, l'accès à l'éducation selon nos modes d'apprentissage sont des élé‐ ments vitaux qui influencent considérablement le bienêtre de nos nations.
Glen Hare, chef régional de l'Ontario
Ainsi, les participants ori‐ ginaires des quatre coins de la province peuvent s’inscrire à divers ateliers sur des su‐ jets spécifiques qui concernent les besoins des Premières Nations comme la mise en place de pro‐ grammes de services de santé culturellement adaptés ou le financement de loge‐ ment selon les modèles diri‐ gés par les communautés au‐ tochtones elles-mêmes.
C’est justement le thème du logement qui intéresse Georgina McDonald de la Première Nation Wabasee‐ moong située au nord-ouest de l’Ontario, proche du Mani‐ toba. La crise du logement nous affecte durement. Les prix de construction de mai‐ son explosent, mais pas les financements.
Elle précise que sa com‐ munauté est en expansion, ce qui cause des tensions pour les habitants de la com‐ munauté. Nous devons trou‐ ver des moyens de financer de nouveaux logements avant que des gens se re‐ trouvent à la rue ou que nos jeunes quittent la région.
Les maisons surpeuplées causent de nombreux soucis pour les familles et ç'a des impacts sérieux sur la santé de la population.
Georgina McDonald de la Première Nation Wabasee‐ moong
Dans un nouveau rapport dévastateur déposé mardi à la Chambre des communes, la vérificatrice générale du Canada, Karen Hogan, s’est dite absolument découragée de constater si peu d’amélio‐ rations concernant les loge‐ ments insalubres dans les communautés autochtones au cours des deux dernières décennies.
Le rapport fait état d’un portrait peu élogieux du bi‐ lan du gouvernement libéral en matière de logement chez les Premières Nations, in‐ cluant celles de l'Ontario.
Services aux Autochtones Canada et la Société cana‐ dienne d'hypothèques et de logement ont été mandatés pour répondre à leurs be‐ soins en matière de loge‐ ment d'ici 2030. Nous avons constaté que 80 % de ces be‐ soins n'étaient toujours pas satisfaits alors qu'il restait 7 ans avant 2030, peut-on lire.
La vérificatrice générale a également indiqué que si Ot‐ tawa n'apporte pas davan‐ tage de soutien aux commu‐ nautés des Premières Na‐ tions, les gens continueront de vivre dans des logements insalubres et dangereux, sou‐ vent associés à la violence fa‐ miliale, à la toxicomanie, au suicide.
L'amélioration du loge‐ ment pour les membres des Premières Nations est essen‐ tielle à leur santé et à leur bien-être physique, mental et économique, a-t-elle men‐ tionné.
Reconnaître les crises
Le bien-être des Pre‐ mières Nations ne peut être abordé de manière isolée, renchérit le chef Glen Hare. C’est en ciblant et en abor‐ dant les problèmes qui nous affligent que nous pourrons créer un environnement plus équitable et plus favorable pour que les Premières Na‐ tions puissent guérir et pros‐ pérer, ajoute-t-il.
Car selon lui, au-delà du manque de financement ré‐ current, il est devenu impéra‐ tif de reconnaître la nature systématique et interconnec‐ tée des crises qui touchent les communautés autoch‐ tones.
Il ne s'agit pas d'incidents isolés, mais plutôt de pro‐ blèmes profondément enra‐ cinés qui ont été perpétrés par des injustices historiques qui ont aujourd’hui une inci‐ dence grave sur la santé de nos Premières Nations.
Le premier pas vers la guérison, c’est de retrouver les connaissances ances‐ trales, estime de son côté Leslie Maracle, la cheffe de la Première Nation Mississauga of the Credit, une commu‐ nauté située près de Brant‐ ford, dans le Centre-Sud de l'Ontario.
Mon peuple a autrefois été déplacé par les autorités canadiennes pour être placé dans une petite réserve, alors que notre territoire s’étendait jusqu’à Toronto, ra‐ conte-t-elle. Nous sommes présentement dans un pro‐ cessus de réappropriation de nos savoirs traditionnels perdu par la colonisation et les politiques d’acculturation.
La cheffe mesure d’ailleurs l’utilité pour les Pre‐ mières Nations d’une telle conférence mettant en lien de nombreuses probléma‐ tiques partagées par les pre‐ miers peuples de l’Ontario. C’est très important puis‐ qu’on se rassemble pour voir comment nous pouvons aller de l'avant ensemble. Les ren‐ contres permettent aussi de mieux cibler nos besoins en matière de santé et de bienêtre.
Sur ce point, elle soutient que sa communauté - où vivent environ 900 personnes - souffre d’un manque criant
de services, notamment en matière d’accès aux services de santé. La Première Nation ne possède ni transport pu‐ blic ni ambulance.
Les gens qui ont besoin de soins doivent se déplacer à leurs frais vers les munici‐ palités environnantes. Nous essayons de mettre en place notre propre service dans la réserve pour que la popula‐ tion ne soit plus contrainte à trouver un moyen de trans‐ port pour avoir droit à ce que tous les Canadiens aient droit au pays, conclut la cheffe.