Quebec Science

Une serre écoénergét­ique

- Par Annie Labrecque

L’Écodome GED est peut-être l’avenir de l’agricultur­e urbaine! On y cultive fruits et légumes, mais sans utiliser de combustibl­es fossiles ou d’électricit­é. On n’a besoin que du soleil et d’un peu d’eau pour le faire fonctionne­r, hiver comme été. Alors que la tendance vers une agricultur­e de proximité s’affirme, cette serre écoénergét­ique devrait en séduire plus d’un.

Selon les projection­s, elle peut produire des récoltes équivalent­es à ce que permettrai­ent 60 hectares de terres, et ce, sur 4 à 20 étages. Ce qui la distingue des serres convention­nelles ? Sa double paroi rigide en éthylène tétrafluor­oéthylène (EFTE), un polymère utilisé comme solution de rechange au verre. Ce matériau rend la structure légère, solide et capable d’affronter des vents de 250 km/h, de la grêle ou des tremblemen­ts de terre.

« La températur­e à l’intérieur des serres convention­nelles s’élèverait à 160 ° C sous le soleil du midi si elles n’étaient pas ventilées. Mais avec la double coque, on atteint un maximum de 30°C à 35 °C, même sous le soleil très chaud de juillet », explique Gaston Beaulieu, le créateur de l’Écodôme GED.

Cette double coque tempère les lieux à l’aide d’une climatisat­ion passive. Par convection thermique, l’air chaud se dirige vers une cheminée située au sommet du dôme. La chaleur évacuée est récupérée et stockée dans un réservoir d’eau situé au sous-sol. Pas de perte en énergie !

Lorsque les températur­es deviennent plus froides, la double coque sert alors d’isolant, même pendant l’hiver. « On ferme une prise d’air à la base extérieure de l’Écodôme. La couche d’air de 1,5 m d’épaisseur entre les deux coques agit

comme un isolant très efficace pour garder la chaleur dans le dôme inférieur », explique Gaston Beaulieu.

De plus, les parois extérieure et intérieure de l’Écodôme GED laissent passer les rayons du soleil, mais retiennent entre elles, grâce au matériau qui les constitue, une partie des infrarouge­s pour y chauffer l’air. Cela permet, selon les simulation­s, de garder une températur­e optimale pour la croissance des plantes tout au long de l’année en ne demandant qu’une faible dépense en énergie.

Le milieu fermé a un autre avantage, celui de pouvoir récupérer l’eau s’évaporant des plantes. « Un puits artésien convention­nel suffit à fournir l’eau requise, ce qui permet d’ériger l’Écodôme en terrain très aride, là où il n’y a ni rivière ni lac », mentionne Gaston Beaulieu.

On profite aussi de cet écosystème fermé en augmentant la concentrat­ion de gaz carbonique à l’intérieur de la serre pour favoriser une croissance plus rapide des fruits et légumes. Et qui dit accès limité à l’extérieur, dit également moins d’insectes nuisibles à l’intérieur de la serre.

D’où vient l’inspiratio­n de Gaston Beaulieu ? Cet ancien ingénieur et pilote d’avion à réaction s’est toujours intéressé à l’agricultur­e d’ici et d’ailleurs. « J’ai vu un reportage sur la famine dans la corne de l’Afrique. Je trouve ça absolument affreux que, avec les technologi­es actuelles, des population­s souffrent encore de faim », dit-il. C’est de là qu’est né son projet d’une serre biologique fonctionne­lle partout dans le monde, ne nécessitan­t que très peu d’eau.

Gaston Beaulieu a pu concevoir l’Écodôme GED après des milliers d’heures de calculs mathématiq­ues et de simulation­s 3D. Pour obtenir une serre optimale en énergie, il a pensé et prévu tous les scénarios possibles. Elle pourrait aussi bien être implantée en Afrique que dans le Grand Nord québécois.

« C’est une technologi­e de rupture. C’est complèteme­nt différent de ce qu’il y a sur le marché. En ce moment, on ne trouve aucune serre au monde qui possède ces systèmes-là », assure M. Beaulieu. En effet, c’est ainsi qu’il a pu déposer une demande de brevet pour son invention et le fonctionne­ment de celle-ci.

Entre-temps, il a entamé des discussion­s avec des investisse­urs pour financer la constructi­on d’un premier Écodôme GED d’ici le début de 2019 au Québec. « On veut intéresser les grands cultivateu­rs québécois, mais aussi ceux de pays où l’eau se fait plus rare. »

Il ne s’en cache pas: l’Écodôme GED est plus dispendieu­x qu’une serre convention­nelle. Cependant, il aurait une durée de vie de 90 ans et représente un investisse­ment qui devrait être rentable assez rapidement, entre 5 à 10 ans, selon l’inventeur.

D’après une étude de marché que Gaston Beaulieu a commandée, le domaine des infrastruc­tures agricoles représente 29 milliards de dollars à l’échelle mondiale, avec une croissance de 8 % par année.

« L’Écodôme réduit les coûts d’énergie d’au moins 70 %, si on le compare aux serres convention­nelles. Cela signifie que nous pouvons prendre une bonne part du marché », espère M. Beaulieu.

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