«C’est à 9 ans, en près de Paris, que
Lilian Thuram, ex-star du foot, se bat contre le racisme depuis 10 ans. Il était à la rédaction, mercredi matin.
«Au départ, être raciste, c’est penser qu’il y a des hiérarchies entre les gens. Et, très souvent, c’est se mettre au centre en se disant que l’on est mieux que les autres (les Noirs, les femmes, les homosexuels…). Le racisme profite toujours à certains. Si les autres sont inférieurs, alors on est avantagé et on veut garder cet avantage.»
À quel âge avez-vous compris que votre couleur de peau était une différence, voire un problème pour certains ? «J’avais 9 ans et j’avais grandi aux Antilles. Je suis arrivé dans une école à BoisColombes (Hauts-de-Seine). À cette époque, il y avait un dessin animé à la télé,
La Noiraude, avec une vache noire très stupide et une autre, blanche, très intelligente.
Des élèves m’ont alors surnommé “la noiraude”.»
Qu’avez-vous ressenti ? «J’étais blessé. Je dis souvent que c’est à cet âge-là que je suis devenu noir, à cause du regard des autres. J’ai ressenti une grande tristesse. Je voulais changer de couleur de peau. Le racisme est d’une grande violence, car il détruit la chose la plus importante chez un enfant : la confiance en soi.» Pourquoi avoir décidé de créer une fondation qui lutte contre le racisme ? «Pour aider les gens à se poser des questions, à dénoncer des injustices… Je me suis dit que c’était plus facile pour moi de le faire, notamment auprès des enfants, parce que j’ai été joueur de foot. ll y a moins de racisme aujourd’hui qu’hier. On croit souvent que les choses ne changent pas : c’est faux. C’est à nous de les faire changer. Pour cela, il faut éduquer les enfants tout en les laissant libres de penser, de poser des questions et même d’être en désaccord avec leurs parents. C’est comme cela qu’ils peuvent grandir. »
Le racisme est violent : il détruit la confiance en soi
Que faire si l’on entend des paroles ou que l’on assiste à des actes racistes à l’école ? «D’abord, il faut en parler aux professeurs. Ensuite, il faut consoler la personne qui a été moquée, humiliée. Et dire à l’agresseur que ce qu’il fait ou dit est nul et injuste. La victime se sentira réconfortée et moins seule. Ça l’aidera aussi à comprendre que le problème ne vient pas d’elle, mais de l’agresseur.»
Dans le sport, on joue, on gagne, on perd… ensemble
Comment créer plus de liens et d’amitié entre des personnes différentes ? «Nous sommes tous différents ! Différents de nos frères et soeurs, de nos parents et même de nos amis. La différence, c’est la chose la plus partagée au monde et donc aussi la plus normale. Quand vous aurez 20 ans, vous serez vous-mêmes différents de ce que vous êtes aujourd’hui. Ce qu’il faut, c’est créer des liens. Et, pour cela, le sport est très bien.