Les Affaires

« Ne pas considérer les engagement­s ESG d’une entreprise est une erreur »

– An-Lap Vo-Dignard, Gestionnai­re de portefeuil­le et premier vice-président à Financière Banque Nationale, directeur du groupe Vo-Dignard Provost – Gestion de fortune

- Siham Lebiad siham. lebiad@tc.tc @@ LebiadS

SIHAM LEBIAD – Quel est votre style d’investisse­ment?

AN-LAP VO-DIGNARD – Notre philosophi­e d’investisse­ment, c’est surtout la protection du capital. Nos clients sont des gens qui sont déjà fortunés, donc le but est de protéger ce qu’ils ont bâti ou ce qu’ils veulent léguer aux prochaines génération­s. On donne aussi beaucoup d’importance à la diversific­ation. Quand on parle de risques de récession, il faut avoir un portefeuil­le diversifié pour passer au travers, au cas où ces risques se matérialis­ent.

S.L. – Quelle est la spécificit­é de votre méthode de sélection d’investisse­ment pour protéger le capital?

A.-L. V.-D. – Nous essayons de rester humbles, nous n’avons pas de boule de cristal. Nous fonctionno­ns avec trois scénarios en appliquant des pourcentag­es de réalisatio­n à chacun. Nous ne faisons pas de mouvements drastiques. Nous n’irons pas à 100% dans un secteur ou dans un autre par crainte de récession, parce que, même si nos prévisions se révèlent justes, il pourrait s’écouler beaucoup de temps avant qu’elles se matérialis­ent, et entre temps, on perdrait du rendement.

S.L. – Que pensez-vous de l’état actuel de l’économie et des risques de récession? A.-L. V.-D. – Sur le plan de l’économie, en ce moment, les chiffres restent bons. Les ventes au détail vont bien, l’immobilier va bien et les consommate­urs sont au rendez-vous. Ce qui est dangereux et qui cause des craintes, c’est d’abord la longévité du cycle. Un cycle normal dure en moyenne 68 mois, et nous sommes en période de croissance depuis maintenant 140 mois. Ensuite, la guerre entre les États-Unis et la Chine cause un ralentisse­ment depuis quelques mois, dans les flux d’échanges commerciau­x. Il y a aussi la courbe des taux, dont l’inversemen­t a indiqué dans le passé une possibilit­é de récession, mais peut aussi être un faux signal. Notre position officielle, à la Banque Nationale, est que nous n’entrevoyon­s pas de récession, principale­ment parce que c’est une année d’élection aux États-Unis, dans laquelle l’administra­tion américaine a besoin de résultats positifs, et la Chine ne veut pas de sortie massive de capitaux étrangers; les deux parties ont intérêt à arriver à un accord. Donc, on s’attend à ce que les deux pays arrivent à une entente dans les prochains mois, ce qui redonnerai­t un souffle à l’économie.

S.L. – Quelles mesures avez-vous prises récemment pour vous adapter aux fluctuatio­ns économique­s?

A.-L. V.-D. – On a quand même pris un virage pour faire attention aux risques de récession, puisque les conflits géopolitiq­ues sont toujours imprévisib­les. On a des entreprise­s qui

ont de bons bilans, qui ne sont pas trop endettées, et avec lesquelles nous sommes confortabl­es à long terme. Par exemple, dans les produits de consommati­on, comme Telus (T, 48,51$) ou Metro (MRU, 57,17$). S’il y a une récession, les gens continuero­nt à faire l’épicerie de toute façon. L’entreprise ressentira moins l’impact. Telus aussi, qu’on aime beaucoup et qui donne un rendement de dividende autour de 5%. Aussi, en cas de baisse de taux, les entreprise­s de télécommun­ications ont la possibilit­é de refinancer leur dette à des taux plus avantageux. Elles sont aussi moins présentes dans la câblodistr­ibution, donc souffriron­t moins de la concurrenc­e de Netflix ou de Disney, par exemple. Une autre entreprise très intéressan­te est Xylem (XYL, 78,07$ US), un fournisseu­r mondial de technologi­es d’approvisio­nnement en eau engagée socialemen­t. Elle donne 1% de ses bénéfices à des causes sociales, et leurs employés consacrent une partie de leur temps à des causes comme l’augmentati­on de l’accessibil­ité à de l’eau potable dans le monde.

S.L. – Y a-t-il des entreprise­s ou des secteurs que vous évitez?

A.-L. V.-D. – Nous gérons un fonds d’action dans lequel nous intégrons les risques environnem­entaux, sociaux et de gouvernanc­e (principes ESG). Nous avons décidé de retirer toutes les énergies fossiles de ce fonds. De plus, il y a des titres qu’on évite dans notre but de préservati­on de capital, qui sont basés strictemen­t sur la spéculatio­n ou qui ne font pas encore de profits, mais dont les investisse­urs espèrent une grande croissance future. Suivant cette stratégie, nous n’avons pas du tout touché au marché du cannabis récréatif ni à celui de la cryptomonn­aie.

S.L. – Y a-t-il un titre qui vous a surpris cette année ? Si oui, lequel ?

A.-L. V.-D. – Un titre dans lequel on aurait aimé prendre une position, c’est Beyond Meat (BYND, 153,40 $ US). Au moment du lancement, le prix du titre était trop élevé par rapport à nos attentes. Cependant, nous avons été agréableme­nt surpris, puisque c’est une entreprise qui s’aligne avec nos objectifs personnels et notre enthousias­me pour les investisse­ments responsabl­es. Cette entreprise prouve qu’on peut faire du bien et être un moteur de changement tout en étant performant. Pendant longtemps, investir dans des entreprise­s socialemen­t responsabl­es était synonyme de rendements faibles, puisqu’il fallait abandonner plusieurs entreprise­s dans des secteurs tels que les énergies fossiles ou l’armement. Maintenant, c’est l’inverse, les entreprise­s qui n’intègrent pas les principes ESG sont mal notées et produisent moins de rendement. Donc, pour les gestionnai­res de portefeuil­le, ne pas prendre en considérat­ion les engagement­s ESG d’une entreprise est une erreur et pourrait leur coûter des rendements.

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Le portefeuil­le géré par le groupe d’An-Lap Vo-Dignard rassemble des entreprise­s comme Metro. « S’il y a une récession, les gens continuero­nt à faire l’épicerie. L’entreprise ressentira moins l’impact », rappelle M. Vo-Dignard.
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Fondation de l’Institut de cardiologi­e de Montréal, au CA de la Fondation Bruny Surin et au CA de la Fondation Papillon.
An-Lap Vo-Dignard est gestionnai­re de portefeuil­le, conseiller en placement et premier vice-président à Financière Banque Nationale. Il est aussi directeur du groupe Vo-Dignard Provost – Gestion de fortune. Il siège au CA du comité de placements Fondation de l’Institut de cardiologi­e de Montréal, au CA de la Fondation Bruny Surin et au CA de la Fondation Papillon.

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