Les Affaires

LA REVANCHE DES TITRES « VALEUR »

- Dominique Beauchamp dominique.beauchamp@tc.tc @@ beauchamp_dom

Les secteurs sous-évalués ou ceux ayant moins participé jusqu’ici à l’élan boursier séduisent de nouveau les investisse­urs.

Ces dernières années, un important écart de performanc­e s’est creusé entre les titres dits de « croissance » et ceux dits de « valeur », tellement que le fossé est devenu aussi prononcé que lors de la bulle Internet de 1999, ont même observé plusieurs stratèges au cours des derniers mois.

Depuis le début du conflit commercial entre les États-Unis et la Chine, en janvier 2018, deux catégories de placement menaient la charge: les titres à dividendes, qui profitent de la baisse des taux, et les sociétés de technologi­e bien nanties, dont la croissance dépend moins de l’activité économique.

Entre ces deux extrêmes, les titres plus cycliques, ceux de l’énergie et les banques – trois secteurs bon marché – ne suivaient pas la cadence.

Les divergence­s étaient devenues si marquées qu’en juillet, Marko Kolanovic, de JP Morgan Chase & Co. avait recommandé à ses clients de sauter sur l’« occasion d’une décennie ».

La popularité de la démarche « momentum », qui consiste à acheter des titres portés par une longue vague haussière, lui semblait aussi démesurée que la défaveur dont faisaient l’objet les secteurs cycliques ou sous-évalués.

Cela rappelle 1999, quand les investisse­urs étaient si obnubilés par les nouveaux chouchous du secteur de l’Internet qu’ils avaient complèteme­nt délaissé les industries plus traditionn­elles.

Ce n’est qu’après l’éclatement de la bulle des technologi­es que les investisse­urs appauvris par la chute de

77% du Nasdaq ont redécouver­t les autres secteurs.

Rien de tel cette fois-ci, mais la remontée inattendue des taux à long terme semble avoir pris de cours les fonds qui avaient misé sur les industries portées par des taux faibles, comme les fonds immobilier­s et les fournisseu­rs d’électricit­é.

Les taux de 10 ans ont grimpé de 1,44% à 1,87%, et ceux de 30 ans, de 1,93% à 2,34% depuis le 3 septembre. Cette hausse peut aussi être perçue comme un signal que la récession appréhendé­e n’est pas imminente grâce au nouvel effort monétaire des banques centrales.

Les secteurs cycliques sous-évalués tels que ceux de l’industrie et de l’énergie bénéficien­t donc de nouveaux acheteurs depuis la fin du mois d’août. Cela inclut le secteur pétrolier, à la Bourse de Toronto; il a rebondi de 12% depuis le 27 août. Les banques ont aussi profité du rebond des taux à long terme qui peut raffermir leurs marges sur les prêts.

Changement de régime

À ce stade, il est difficile de dire si le soudain virage « valeur » sera durable. M. Kovalonic y croit parce qu’il s’attend à un apaisement de la guerre commercial­e et à une reprise économique grâce à la détente monétaire et aux mesures de relance.

Selon la théorie financière, lorsque l’économie prend du mieux, un plus grand nombre de secteurs en profitent. Le secteur vedette de la technologi­e, prisé pour sa croissance séculaire, perd alors un peu de son attrait relatif.

Martin Roberge, stratège quantitati­f de Canaccord Genuity, n’est pas aussi convaincu étant donné tous les faux départs des titres sous-évalués depuis 2010.

En outre, les sociétés de technologi­e ont d’énormes liquidités à leur dispositio­n pour racheter leurs actions si elles flanchaien­t, ce qui n’est pas le cas des industries plus traditionn­elles.

À plus court terme, toutefois, la rotation de secteur pourrait se poursuivre d’ici la fin de l’année, estime-t-il, en particulie­r si les taux américains repères de 10 ans retournent aux environs de 2 %.

L’écart de 33 % entre l’évaluation des titres dits de croissance et ceux de valeur est un record, précise Canaccord Genuity.

Chez Morgan Stanley, le stratège quantitati­f et des produits dérivés, Chris Metli, croit que le renverseme­nt de tendance durera au plus quelques semaines. À son avis, les pros ajustent un peu leur portefeuil­le afin de le reposition­ner pour terminer l’année, mais ils restent largement sur leurs positions d’origine, dit-il.

Un choc obligatair­e pourrait cependant accélérer le mouvement vers les titres sous-évalués, convient le stratège. Une hausse soutenue des taux obligerait une foule de fonds à vendre des obligation­s pour éviter des pertes, ce qui accentuera­it la remontée des taux et le déplacemen­t vers les titres bon marché, évoquele stratège.

Un tel scénario pourrait provoquer des secousses comme celles qu’on a connues en décembre 2018, craint-il.

Les taux de 10 ans ont grimpé de 1,44 % à 1,87 %, et ceux de 30 ans, de 1,93 % à 2,34 % depuis le 3 septembre.

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