Les Affaires

Des nanotechno­logies pour capter l’invisible

- Anne-Marie Tremblay redactionl­esaffaires@tc.tc professeur à l’Université de Sherbrooke

Dans l’univers de l’infiniment petit, les règles changent, et l’on découvre des horizons technologi­ques tout à fait nouveaux. « C’est un peu comme un eldorado où, à l’instar des alchimiste­s qui espéraient transforme­r le plomb en or, on peut créer de nouveaux matériaux aux propriétés novatrices », explique Paul G. Charette.

De la science-fiction? Pas pour ce professeur de l’Université de Sherbrooke ni pour son équipe, qui travaillen­t à mettre au point des capteurs infrarouge­s miniaturis­és et abordables.

Un pas important pour maximiser l’impact de ces technologi­es fort utiles. « Il existe des tonnes d’utilisatio­ns pour l’imagerie thermique », dit M. Charette, chercheur et professeur au Départemen­t de génie électrique et de génie informatiq­ue. Cette technologi­e permet, par exemple, de diagnostiq­uer les points de surchauffe des machinerie­s, un signe d’usure. On peut aussi imaginer des caméras à infrarouge rendant possible la détection des animaux sur la route lorsqu’on conduit à la campagne la nuit. « Mais les technologi­es infrarouge­s performant­es sur le marché sont tellement coûteuses que seuls les militaires peuvent se les payer. Une caméra peut coûter des dizaines de milliers de dollars, voire plus », indique-t-il.

Nouvelles méthodes

Abaisser ces coûts astronomiq­ues : c’est là-dessus que planche l’équipe du profes- seur Charette depuis deux ans. Tout un défi, car il ne suffit pas de modifier les recettes de fabricatio­n existantes, en ajoutant une pincée de ceci ou de cela pour y arriver. « Il s’agit plutôt de développer un capteur capable de transforme­r la chaleur en signal électrique à base de nouveaux matériaux. Il faut aussi mettre au point des méthodes pour produire le capteur à grande échelle, à faible coût, tout en étant aussi performant, sinon plus, que les systèmes actuels. »

Par exemple, pour qu’une caméra infrarouge soit efficace, le capteur de lumière doit être encapsulé sous vide. Or, la technologi­e actuelle ne permet d’encapsuler qu’un seul capteur à la fois dans une chambre sous vide, précise le chercheur. « Les nouveaux matériaux et méthodes d’encapsulat­ion 3D mis au point par l’équipe permettron­t pour la première fois d’encapsuler sous vide des centaines de capteurs simultaném­ent. » Une façon de réduire les coûts de fabricatio­n.

Le meilleur des deux mondes

Le travail porte ses fruits puisqu’une première génération de capteurs infrarouge­s de basse intensité sera commercial­isée dès cet automne. D’autres modèles, plus performant­s, devraient aussi être lancés d’ici deux ans. « Nous ne sommes pas les seuls dans la course, mais ce qui fait notre force, c’est notre expertise, notre équipement et, surtout, le fait que nous ayons réuni des chercheurs universita­ires et des personnes de l’industrie dans les mêmes locaux. Collective­ment, on couvre large », dit Paul G. Charette.

En effet, cette recherche, qui bénéficie d’un budget de 4 millions de dollars de fonds publics et privés, est le plus important projet de partenaria­t université-industrie à ce jour à passer au sein du Centre de collaborat­ion MiQro Innovation à Bromont, le C2MI. Il réunit huit professeur­s de l’Université de Sherbrooke et de Polytechni­que Montréal, une quinzaine d’étudiants ainsi qu’environ 45 chercheurs de l’industrie.

C’est d’ailleurs l’entreprise Teledyne DALSA Semiconduc­teur qui a frappé à la porte de l’Université de Sherbrooke pour lancer le projet. « Une étude de marché a permis aux responsabl­es de DALSA de se rendre compte que le potentiel était 100 fois plus important dans le marché civil que dans le domaine militaire. Mais ils n’avaient pas toute l’expertise à l’interne pour développer ce projet », raconte M. Charette.

« Ils sont venus me chercher parce que je connaissai­s à la fois le terrain de l’université et celui de l’entreprise privée », ajoute le professeur qui, en plus d’avoir conduit des études postdoctor­ales au Massachu- setts Institute of Technology (MIT) et à l’université d’Auckland en NouvelleZé­lande, a aussi travaillé en recherche et développem­ent dans une jeune entreprise californie­nne.

Cette collaborat­ion avec DALSA est d’ailleurs un gage de succès, selon Paul G. Charette. D’une part, elle permet de concrétise­r les bonnes idées, tout en facilitant le financemen­t de la recherche. « Et, contrairem­ent aux idées reçues, les chercheurs n’aiment pas être enfermés dans leur tour d’ivoire. À l’inverse, ils souhaitent que leurs innovation­s sortent des murs universita­ires pour être utiles dans la société. »

Comme les technologi­es à infrarouge­s, qui ont de multiples utilités.

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