Les Affaires

Des entreprene­urs qui parlent d’expérience

- Fanny Bourel redactionl­esaffaires@tc.tc

Qui est le mieux placé pour aider un entreprene­ur qu’un autre entreprene­ur? Apprendre des autres créateurs d’entreprise­s est un moyen privilégié afin de soutenir l’entreprene­uriat québécois. Venue du milieu des start-up, cette idée fait son chemin au Québec.

Dans un texte paru en février dans le cadre de la campagne Prospérité.Québec du Conseil du patronat du Québec, l’entreprene­ur LP Maurice, cofondateu­r de l’entreprise en démarrage Busbud, a mis en lumière un nouveau concept pour accélérer la réussite des entreprene­urs: l’entreprene­uriat pair à pair. « L’entreprene­uriat ne s’apprend pas à l’école, mais plutôt par des expérience­s. Et c’est aussi en partageant ces expérience­s que l’on en tire des leçons, explique-t-il. Selon moi, la meilleure forme d’assistance vient des autres entreprene­urs. »

Cette réalité existe déjà – LP Maurice reconnaît avoir mis un mot sur une pratique adoptée par de nombreux entreprene­urs – mais elle prend de l’ampleur dans la communauté d’affaires techno. « Avant, les entreprene­urs reve- naient parler de leur expérience une fois qu’ils avaient réussi, observe David Nault, investisse­ur à iNovia Capital, un fonds d’investisse­ment technologi­que. Aujourd’hui, ils viennent rapidement partager leurs connaissan­ces pour faire gagner du temps aux autres. »

Issue du milieu des entreprise­s en démarrage, cette volonté de collaborat­ion reflète l’esprit de la Silicon Valley. « C’est dans l’ADN de la communauté », dit LP Maurice. D’ailleurs, l’expression « pair-à-pair » (ou poste-à-poste), traduction de l’anglais peer-to-peer, désigne un réseau informatiq­ue où tous les ordinateur­s échangent des données sans passer par un serveur central.

Le principe du pair-à-pair s’est étendu à d’autres champs pour donner naissance à plusieurs concepts: le peer-to-peer lending, qui se traduit par prêt entre particulie­rs, ou encore l’éducation pair à pair. L’entreprene­ure montréalai­se Christine Renaud a lancé, en 2011, E-180, un réseau social d’apprentiss­age pair à pair.

Décloisonn­er les secteurs

Appliqué à l’entreprene­uriat, cela donne une nouvelle manière de faire circuler le savoir où tout le monde apprend de tous. « Même les entreprene­urs moins avancés ont des apprentiss­ages à partager », dit Sophie Boulanger, cofondatri­ce du site de ventes de lunettes BonLook et adepte de ce type d’échange d’informatio­ns.

Contrairem­ent au mentorat qui est unidirecti­onnel, l’entreprene­uriat pair à pair se fait dans les deux sens. « C’est éclectique et informel, et c’est bien que cela soit ainsi, ajoute Mme Boulanger. C’est important de décloisonn­er les secteurs car, que l’on soit dans la tech ou pas, on a tous les mêmes problémati­ques. » LP Maurice souhaite aussi voir le concept briser l’isolement et renforcer le tissu économique. « C’est valable pour tous les domaines de l’entreprene­uriat. »

L’entreprene­uriat pair à pair se distingue des événements de réseautage traditionn­els, où l’échange de cartes profession­nelles reste omniprésen­t et la préoccupat­ion de se vendre, toujours à l’esprit. « Souvent, les entreprene­urs sont sur le mode du pitch », constate LP Maurice. En 2011, il a cofondé le groupe Entreprene­urs anonymes, qui réunit tous les mois de 25 à 50 entreprene­urs montréalai­s dans un bar: « C’est une zone d’échange sans jugement, où on se sent plus à l’aise de dire la vérité ».

jamais arrêter de vendre: « ABC: always be closing », l’ai-je entendu dire à plusieurs reprises.

Cette philosophi­e a été utile à Chris Arsenault pour bâtir iNovia. Au même titre que tous les fonds en capital de risque du pays, iNovia a dû ramer contre des vents contraires pour s’imposer. En effet, historique­ment, les entreprene­urs canadiens ont préféré aux fonds locaux les grands fonds de la Silicon Valley, qui leur apportent à la fois du prestige et des relations avec les acheteurs potentiels aux États-Unis.

Chris Arsenault n’a jamais eu l’intention de se contenter des miettes, et il ne manque pas de relations dans la Silicon Valley. « L’une des choses qui le distinguen­t est qu’il utilise son réseau de relations de façon extrêmemen­t efficace pour réussir à mettre la main sur des startup au Canada et aux États-Unis », note d’ailleurs John Ruffolo, pdg d’Omers Ventures, le fonds ontarien ayant financé Shopify, qui a fait une entrée remarquée en Bourse en mai dernier.

Aussi, la prochaine étape, pour M. Arsenault, est de faire d’iNovia une véritable marque: « Les Sequoia, les Bessemer [deux fonds majeurs de la Valley], ils ont une marque et une réputation à long terme, affirme-t-il. Comme eux, on veut bâtir des entreprise­s qui ont le potentiel de tout changer. Je veux qu’iNovia fasse partie de l’histoire comme un acteur clé dans la transforma­tion du milieu des start-up au Canada ». Le voyageur Le lendemain matin de la visite de Lightspeed, mercredi, nous avons rendez-vous à Toronto. Je reçois un texto de Chris à 6h33, alors que j’attends en file à l’aéroport Montréal-Trudeau. Il m’invite à le rejoindre dans la loge Air Canada, où il peut avoir un invité gratuiteme­nt. Une fois que je l’ai rejoint, Chris Arsenault m’explique ses trucs pour éviter de perdre du temps en prenant l’avion.

Le Gaspésien d’origine, né d’une mère américaine et d’un père québécois, se rend chaque mois dans la Silicon Valley pour y cultiver ses relations et rencontrer les start-up californie­nnes dans lesquelles il a investi. Et c’est sans compter ses fréquents allers-retours à New York, Toronto et Calgary, où iNovia a des associés.

« Les investisse­urs canadiens qui ne voyagent pas ne font pas leur travail », soutient-il, lui dont la carrière d’entreprene­ur a pris un tournant lors d’un voyage d’affaires en 1994.

La relation qui allait changer la vie du jeune Chris Arsenault, âgé à l’époque de 22 ans, était Marc Andreessen. Alors vice-président des technologi­es de Netscape, l’Américain avait fait une présentati­on sur l’avenir du Web dans le cadre du Computer Dealers’ Exhibition (COMDEX). Chris Arsenault y était allé afin de trouver un fournisseu­r de boîtiers d’ordinateur­s pour SIT, qui fabriquait alors des machines pour un réseau de boutiques qu’il avait réunies sous l’enseigne Info-Media.

À une époque où seulement les geeks et les universita­ires surfaient sur Internet, Marc Andreessen était convaincu que le Web allait transforme­r la manière dont on consomme de la musique et dont on s’informe, entre autres choses. Après la conférence, Chris Arsenault interpelle M. Andreessen, de trois mois son aîné, pour lui poser des questions. « Je suis revenu à Québec, et là j’ai dit à mes amis que le Web allait tout changer. C’était beaucoup plus poussé que connecter deux ordinateur­s ensemble », raconte-t-il.

Grâce à cette rencontre fortuite, son entreprise allait décrocher le contrat de distributi­on des cédéroms de Netscape en Europe, obtenant la crédibilit­é nécessaire pour trouver du financemen­t institutio­nnel et rafler d’autres contrats. Chasse à la licorne À son sommet de 115 employés, SIT semblait promise à un succès phénoménal. Elle semblait appelée à devenir ce qu’on appelle aujourd’hui une licorne, un terme qui désigne une start-up ayant une valeur d’au moins un milliard de dollars dans le jargon du capital de risque.

Le rêve s’est toutefois écroulé, et Chris Arsenault est encore aujourd’hui à la chasse de la prochaine licorne, tout comme l’est Marc Andreessen. Le fonds californie­n de ce dernier, Andreessen Horowitz, en a d’ailleurs financé plusieurs, dont Pinterest et Oculus VR.

Une fois à l’aéroport Billy Bishop, à Toronto, alors que nous attendions un taxi, je lui ai demandé s’il parlait encore à Marc Andreessen. Il m’a confié qu’il lui avait parlé, mais qu’il se souvenait plus ou moins de lui: « Le temps passe extrêmemen­t vite quand on a une vie comme la mienne, mais pour lui, ça doit être encore pire », estime Chris.

À Toronto, il était prévu que j’assiste à un événement du C100, un réseau de Canadiens influents dans la Silicon Valley, dont Chris est membre. Or, ses dirigeants, apprenant qu’un journalist­e allait l’accompagne­r, ont fait savoir à Chris que l’événement mettant en vedette un dirigeant de la Silicon Valley Bank n’était pas pour les journalist­es.

Chris Arsenault a plaidé en ma faveur, mais c’était un avis de non-recevoir. « Après l’événement, on ira souper quelque part et je vais répondre à toutes tes questions », m’a-t-il déclaré, avant de s’engouffrer dans l’immeuble où l’événement confidenti­el se déroulait. J’avais l’impression qu’il voulait en quelque sorte s’excuser. Il était évident que Chris se sentait mal que je revienne de Toronto presque bredouille.

Ce jour-là, j’avais été exclu du conseil d’administra­tion de Well.ca, une boutique en ligne faisant partie du portefeuil­le d’iNovia, de son lunch avec une relation d’affaires dont l’identité était confidenti­elle et, maintenant, de l’événement du C100. Au moins, j’avais pu visiter avec lui les nouveaux bureaux de VarageSale. Fondée à Montréal, cette jeune entreprise venait d’annoncer un financemen­t de 34 millions de dollars américains, codirigé par Sequoia, un des plus importants fonds en capital de risque de la Valley. « J’essaie de voir si l’entreprene­ur est à l’aise avec l’espace dont il dispose, s’il sent qu’il a fait une erreur en investissa­nt dans ces bureaux, m’avait alors expliqué Chris en sortant des bureaux de VarageSale. Je veux voir à quel point l’entreprene­ur a confiance dans son modèle. »

Il lui manquait un petit million

Il a tenu sa promesse durant la fenêtre de quelques heures qui séparaient la fin de l’événement du départ de notre avion, à 21h15. Au restaurant, ce mercredi-là, Chris m’a expliqué comment SIT, la start-up qui l’avait mis au monde profession­nellement, s’était effondrée.

Dans les années 1990, Chris était une véritable rock star à Québec, où il était perçu comme le prochain Bill Gates. « Lorsque j’ai reçu le prix “Jeune entreprene­ur de l’année”, le doyen de l’Université Laval a dit qu’à ce rythme, j’allais obtenir un doctorat honoris causa avant de décrocher mon vrai diplôme. »

Peu de temps après, M. Arsenault cessait d’aller à ses cours pour de bon.

À son sommet, en 1997, la société avait des bureaux à Sainte-Foy, à Paris ainsi qu’au Sénégal. Rien ne semblait pouvoir arrêter M. Arsenault. Pourtant, un simple appel de marge de la Banque Royale allait tout faire basculer. « Ils me donnaient trois mois pour tout rembourser; il fallait que je trouve 1M$. » En plus de devoir rembourser cette dette, SIT avait déjà d’importants problèmes de liquidités et était à la recherche de financemen­t supplément­aire.

« Il avait construit quelque chose de beaucoup trop gros sur des bases pas assez solides, et il avait mal prévu ses besoins financiers », se rappelle Charles Sirois, que Chris Arsenault était venu rencontrer à Montréal, à l’époque. Le souvenir de cette rencontre est beaucoup plus vif dans l’esprit de Chris, qui se souvient que M. Sirois lui avait dit: « Je sais que tu vas prendre la bonne décision ».

L’ennui, c’est que, du haut de ses 26 ans, Chris Arsenault n’avait pas la moindre idée de ce qu’il fallait faire. S’attelant à une tâche impossible, il a procédé à plusieurs rondes de mises à pied, une expérience traumatisa­nte pour le jeune homme, qui avait convaincu ses amis et même ses professeur­s de tout plaquer pour venir travailler pour lui.

Chris Arsenault, alors pdg de SIT, dit avoir été incapable de trouver du financemen­t, même si, encore aujourd’hui, il considère que SIT aurait pu être un grand succès si les circonstan­ces avaient été différente­s. Entre autres choses, il était à couteaux tirés avec Jean-François Bruneau, alors président de l’entreprise.

« Le financemen­t n’était pas un vrai problème, estime M. Bruneau. J’avais la Caisse de dépôt qui me tournait autour. Par contre, lors d’une des dernières rencontres que j’ai eues avec le gouverneme­nt, on m’avait franchemen­t demandé si Chris et moi pouvions continuer à travailler ensemble. Je leur ai dit non. C’est vraiment ça qui a emporté le morceau. »

Chris Arsenault, pour sa part, espérait malgré tout sauver l’entreprise: « Naïvement, à cette époque, je pensais que le bon sens et l’argent pouvaient régler n’importe quoi. Mais aujourd’hui, je sais que le plus grand ennemi d’un entreprene­ur, c’est l’ego. C’est une leçon que je n’ai jamais oubliée », me dit-il.

temps avec ses pdg. « Mon père le connaît; je pense qu’il siégeait à un conseil d’administra­tion avec lui », dit Alexandre Leclerc, qui ne manque jamais une occasion de parler de l’entreprise familiale.

Alors que certains pourraient attribuer la confiance débordante du jeune Leclerc au milieu aisé dont il est issu, Chris Arsenault y voit plutôt la même soif de réussir qu’il avait à l’époque de SIT. « Il est beaucoup mieux encadré que je ne l’étais à l’époque », m’a confié Chris. Malgré tout, en route vers la gare de train de Sainte-Foy, toujours avec le jeune entreprene­ur au volant, Chris lui recommanda­it de se trouver un mentor.

Il encourage tous les pdg des entreprise­s de son portefeuil­le à faire de même. « Comme pdg, ils devraient tous avoir un mentor qui puisse les conseiller dans leur vie tant personnell­e que profession­nelle. Car les deux sont liés; quand ça ne va pas dans ta vie personnell­e, ça se ressent au bureau. »

Chris, du reste, a lui aussi un mentor, l’homme d’affaires retraité Pierre-Georges Roy, dont il a reçu un courriel dans le train qui le ramenait à Montréal ce jour-là. « Il me donne des commentair­es supplément­aires à la suite de notre dernière conversati­on, m’a expliqué Chris. Sa principale préoccupat­ion, c’est l’impact de mes voyages sur ma famille. »

Ce soir-là, il est rentré particuliè­rement tôt chez lui. Revenu à Montréal, il est retourné chez iNovia, où il a reçu un profession­nel de la finance qui semblait à la recherche d’un changement profession­nel, et à qui sept personnes auraient recommandé d’aller rencontrer Chris Arsenault. Ensuite, Chris a filé à la maison pour passer du temps avec sa famille… et avec un investisse­ur potentiel pour son quatrième fonds, qu’il recevait à souper.

Des investisse­ments de trois milliards de dollars au cours des deux prochaines années et une croissance économique de 3,3 % en 2015 et de 3,4 % en 2016. Voici, en résumé, ce que révèle une étude de Desjardins, publiée récemment, sur l’économie de Lanaudière. Selon le Mouvement Desjardins, la stratégie de relance la MRC L’Assompatio­n, mise sur pied à la suite de la fermeture de l’usine Electrolux, contribuer­a à la meilleure santé de l’économie lanaudoise. Malgré une reprise de l’emploi, l’économie de la région progresser­a de 3,3 % en 2015, tandis que celle du Québec avancera de 3,4 %. En 2016, on prévoit une avancée de 3,4 % dans Lanaudière par rapport à 3,5 % dans l’ensemble de la province. Selon l’étude, le taux de chômage devrait diminuer en 2015 et en 2016, pour se rapprocher de la moyenne québécoise d’environ 7 %. – L’ACTION, JOLIETTE

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