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UQTR : gouvernanc­e étriquée + gestion rocamboles­que = fiasco

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l est toujours inquiétant de voir arriver à un poste de haute responsabi­lité une personne sans expérience. C’est le risque qu’a pris le gouverneme­nt du Québec en nommant à la tête de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) une rectrice, dont l’expérience en gestion se résumait essentiell­ement à la direction d’une chaire de recherche.

La nomination de Nadia Ghazzali avait été recommandé­e par le conseil d’administra­tion (CA) de l’UQTR, mais ce n’était pas un gage de réussite, puisque celui-ci était surtout formé de personnes sans grande expérience en gouvernanc­e. Un projet de loi a déjà été préparé pour renforcer la gouvernanc­e des université­s, mais celui-ci a malheureus­ement été abandonné en raison de l’opposition de leurs dirigeants, qui sont très protecteur­s de leur indépendan­ce.

Sitôt nommée, la rectrice a rencontré les dirigeants des principale­s instances de l’institutio­n, ce qui est bien. Toutefois, elle a annoncé quelques mois plus tard une réforme administra­tive sans plan d’action et sans avoir, au préalable, évalué la situation. Le CA a approuvé cette réforme, qui a été mal accueillie. Deux semaines plus tard, celui-ci a mandaté une firme externe pour poser un diagnostic sur le climat organisati­onnel. Le CA a adopté un plan d’action comprenant 25 mesures, mais seulement 7 d’entre elles avaient été mises en place un an et demi plus tard. Aucun document de suivi n’aurait été déposé au CA. Des manquement­s graves à l’éthique En parallèle, la rectrice a voulu transférer à l’UQTR la chaire de recherche qu’elle dirigeait à l’Université Laval. Face à un premier refus du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRNSG), elle a modifié à l’insu d’une vice-rectrice une lettre de recommanda­tion de cette dernière de manière à la rendre plus positive et en y ajoutant un engagement de 900 000$ de l’UQTR, et ce, sans autorisati­on préalable du CA. Informé de ces gestes, le comité d’éthique et de déontologi­e du CA a qualifié ces manquement­s de graves et a recommandé une sanction de la part du CA. Il s’en est suivi beaucoup de négociatio­ns et l’entrée en scène de plusieurs avocats (celui de la rectrice a facturé 134 000$). À la fin, le CRSNG a fini par accepter le transfert.

Autre indication de cette gouvernanc­e étriquée, le CA s’est souvent satisfait de documents incomplets. Il est composé majoritair­ement de membres provenant de l’UQTR, ce qui semble la règle dans la plupart des université­s. Quant au président du CA, Yves Tousignant, il prétend qu’il n’a pas à respecter le Règlement sur l’éthique et la déontologi­e des administra­teurs publics. Pas étonnant qu’il ait soutenu les bévues administra­tives et les manquement­s à la saine gouvernanc­e de sa rectrice. Péripéties immobilièr­es À l’instar de l’UQAM, l’UQTR a aussi vécu des aventures immobilièr­es rocamboles­ques.

Le projet de campus de Drummondvi­lle de l’UQTR a été démarré sans étude sérieuse de la clientèle et sans plan d’affaires. Au lieu d’envisager une installati­on dans les locaux du cégep, on a préféré un nouvel immeuble. La Ville est propriétai­re du bâtiment, dans lequel l’UQTR s’est engagée par bail pour 25 ans. Au départ, c’est l’université qui dirigeait et qui assumait la plupart des risques. Estimé à 24 M$, ce projet a connu plusieurs rebondisse­ments, et c’est grâce au ministère des Finances que les risques de l’UQTR ont été atténués. Dès le début de cette aventure, le CA a autorisé l’octroi de contrats de services profession­nels sans avoir obtenu au préalable l’aval des ministères des Finances et de l’Éducation. À la suite de plusieurs refus du projet par les fonctionna­ires et de renégociat­ions avec la Ville de Drummondvi­lle afin de réduire le risque associé au bail, le projet a été autorisé le 22 septembre 2014.

D’autres projets immobilier­s mal planifiés ont affronté des difficulté­s, et deux ont été arrêtés. Le plus important prévoit la constructi­on d’un centre sportif comportant deux glaces, qui ne seraient utilisées qu’à 7% par l’UQTR, qui deviendrai­t alors un entreprene­ur. Le CA en a approuvé la réalisatio­n au coût de 53 M$, mais comme aucune subvention n’a été octroyée par Québec, le projet est paralysé. Dans plusieurs investisse­ments immobilier­s, les besoins ont été mal ciblés et le CA a pris des décisions en étant mal informé.

Plusieurs intervenan­ts sont à blâmer pour les déboires de l’UQTR: la rectrice elle-même, son président du conseil, qui s’est écrasé devant elle, la compositio­n déficiente du CA, le gouverneme­nt du Québec (choix de la rectrice, suivi déficient) et l’UQ (contrôle insuffisan­t).

Il aura fallu une enquête du vérificate­ur général pour confirmer les allégation­s de mauvaise gestion et obtenir les démissions de la rectrice et du président du conseil le 27 mai.

Concluons sur une note positive. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, a prévu que les CA des nouveaux centres intégrés de santé et de services sociaux seront formés majoritair­ement d’administra­teurs indépendan­ts et que ces derniers seront rémunérés. Québec devrait faire de même en ce qui concerne les université­s.

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