Le Journal de Quebec

Un job à temps plein pour gérer sextage et conflits

Une intervenan­te guide les ados face aux dick pics et autres dérapages sur internet

- DOMINIQUE SCALI

Réfléchir avant d’envoyer une dick pic. Demander la permission avant de publier une photo comique. Réagir aux mots méchants sur les réseaux sociaux. Les jeunes d’une école secondaire de Montréal seraient les seuls au Québec à avoir accès en tout temps à une intervenan­te pour les aider à gérer ces enjeux.

« C’est vous autres qui êtes les plus touchés. Plus de la moitié de mes cas [de partage de photos intimes], ce sont des première secondaire ».

Élise Dupras, 43 ans, lance cette phrase devant une trentaine de jeunes qui ont justement 12 et 13 ans. Plusieurs ouvrent la bouche d’étonnement en apprenant l’audace de leurs semblables.

« Qui pense que sur Snapchat, la photo disparaît vraiment après 24 heures ? » demande l’intervenan­te.

Un élève lève la main et dit connaître des techniques pour capturer ces images censées être temporaire­s.

« Tu inspires confiance ! » s’indigne avec sarcasme une élève quelques bureaux plus loin.

À la fin de mars, Le Journal révélait que des enfants de plus en plus jeunes se faisaient intimider et insulter sur les réseaux sociaux, parfois dès l’âge de 6 ans.

À l’école Monseigneu­r-richard de l’arrondisse­ment Verdun à Montréal, tout ce qui touche le sextage, la cyberintim­idation et la dépendance aux écrans, c’est Élise Dupras qui s’en occupe.

Au retour de la pandémie, le personnel de l’établissem­ent a remarqué que beaucoup de ses 1500 élèves avaient passé énormément de temps devant des écrans.

JOIGNABLE 7 JOURS SUR 7

Des situations nouvelles, comme le partage de photos intimes, se sont mises à émerger, raconte le directeur François Millette.

C’est de là qu’est née l’idée d’embaucher Élise Dupras, à la rentrée 2022, pour qu’elle se consacre entièremen­t aux cyberenjeu­x.

« Je peux vous dire que je n’arrête pas, de 8 h à 15 h 30 ». Et même plus, puisque les jeunes peuvent la joindre sur les réseaux sociaux 7 jours sur 7.

CONSENTEME­NT, MÊME SI C’EST DRÔLE

« Tu as pris une photo drôle de Sarah qui fait une grimace. Tu te dis : ‘‘C’est comique, je vais la publier’’. Mais est-ce que Sarah, elle, trouve ça comique ? » a-t-elle donné en exemple pour expliquer le consenteme­nt à l’image lors d’un atelier auquel a pu assister Le Journal.

Dans son bureau décoré d’une banderole de lumières, l’ambiance est chaleureus­e. Elle y reçoit les jeunes qui cognent à sa porte.

Un cas classique : une ado s’est fait traiter de « chienne » sur les réseaux sociaux.

Il n’y a pas très longtemps, des élèves l’ont consultée après avoir clavardé avec un pédophile. Autre exemple : un élève se plaignait qu’un interview filmé de lui eût été diffusé sur Tiktok par des collègues sans son consenteme­nt.

« Tu n’as pas donné ton consenteme­nt à recevoir une photo ? Viens me voir. Ça peut être considéré comme une agression. D’ailleurs, personne n’aime recevoir des dick pics quand ce n’est pas sollicité », explique-t-elle aux élèves.

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PHOTO AGENCE QMI, JOËL LEMAY L’intervenan­te Élise Dupras devant un groupe de première secondaire de l’école Monseigneu­rrichard à Montréal.

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