Le Journal de Quebec

Que ferait Justin de Radio-canada ?

- GUY FOURNIER guy.fournier @quebecorme­dia.com

Jusqu’à l’élection de Justin Trudeau, aucun gouverneme­nt libéral n’avait porté Radio-canada dans son coeur.

Durant les 16 ans qu’il fut premier ministre, je ne me souviens pas d’avoir entendu de bons mots de Pierre-elliott Trudeau à l’égard de Radio-canada. Surtout pas à l’endroit du réseau français qu’il considérai­t comme noyauté par les méchants séparatist­es. L’homme n’a d’ailleurs jamais eu d’affection particuliè­re pour les médias, quels qu’ils soient.

Pas plus que Jean Chrétien dont la hargne à l’endroit de Radio-canada ne s’est jamais démentie. Son désamour irréductib­le s’est traduit par des coupes spectacula­ires. Il amputa le budget du diffuseur public de plusieurs centaines de millions de dollars, forçant la mise à pied d’au moins un millier d’employés. Après seulement un an comme PDG, Tony Manera démissionn­a en guise de protestati­on, mais Jean Chrétien n’en fut pas ému pour autant.

Même si Paul Martin fut malmené par la CBC pour les pavillons de complaisan­ce sous lesquels naviguaien­t ses cargos de la Canada Steamship Lines, société dont il fut longtemps le PDG, le premier ministre libéral ne fut pas au pouvoir assez longtemps pour grignoter à son tour le budget du diffuseur public. Tout au plus se contentat-il d’y puiser une gouverneur­e générale dont on ne garde pas le meilleur souvenir.

DE CHARYBDE EN SCYLLA ?

Lorsque les conservate­urs de Stephen Harper prirent le pouvoir, la direction de Radio-canada, affolée, jeta les hauts cris, donnant l’impression de tomber de Charybde en Scylla. Ce fut loin d’être le cas. Les ardeurs anti-radio-canadienne­s de Harper furent tempérées en bonne partie par James Moore, son ministre du Patrimoine, un francophil­e avoué qui a toujours reconnu l’importance du diffuseur public.

Avant même son élection en 2015, Justin Trudeau afficha ses couleurs en s’engageant à augmenter de 150 millions par année le budget de CBC/ Radio-canada. Ce que son gouverneme­nt s’empressa de faire. Il annula ainsi les coupes de

115 millions du gouverneme­nt conservate­ur.

Si les libéraux de Justin sont réélus et qu’ils respectent leurs promesses, ils augmentero­nt de 400 millions sur quatre ans le budget de la société d’état. Leur programme électoral indique donc clairement qu’ils iront de l’avant avec l’une des recommanda­tions du comité d’experts de Janet Yale. Celui-ci recommanda­it que Cbc/radio-canada élimine à terme toute publicité en ondes, en commençant par ses émissions d’informatio­n et d’affaires publiques. Les cent millions par an qu’on ajouterait au budget de la société d’état compensera­ient entièremen­t les revenus publicitai­res qu’elle abandonner­ait alors.

IL FAUT UN MANDAT PRÉCIS

C’est la première fois depuis la publicatio­n du rapport Yale que les libéraux laissent voir leurs intentions concernant la société d’état.

C’est vrai qu’à l’exception de cette promesse de 400 millions, le reste de leur programme n’est pas très précis, mais si je lis entre les lignes, il semble bien aller dans la direction que recommande Janet Yale.

Si la promesse de mettre à jour le mandat de Radio-canada « pour qu’il réponde aux besoins et aux attentes des auditoires d’aujourd’hui » ne signifie pas grand-chose, l’intention que ses programmes se démarquent de ceux des diffuseurs privés pourrait être très significat­ive.

Jusqu’à maintenant, CBC/RAdio-canada a toujours disposé d’un mandat très vague qui lui a permis de justifier à peu près n’importe quelle orientatio­n. Une liberté dont s’est prévalu de façon presque honteuse le réseau français, en concurrenc­e directe avec la télévision privée depuis une vingtaine d’années. Si le prochain gouverneme­nt est libéral, forcera-t-il le diffuseur public à un virage ?

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