Le Journal de Quebec

Les énormes sacrifices des Fernandez

L’argent a failli tout gâcher pour Leylah et son père

- JESSICA LAPINSKI

La Québécoise Leylah Fernandez ne brillerait peut-être pas sur la scène du tennis internatio­nal si ce n’était pas des sacrifices de son père, Jorge, dont le seul repas de la journée était parfois le déjeuner de l’hôtel afin de consacrer toutes ses économies au transport, à l’hébergemen­t, aux raquettes et aux repas de sa fille.

« Parfois, quand il lui restait quelques frites au souper, je les prenais. À l’époque, elle n’en était pas consciente. Elle s’étonnait seulement du fait que je n’aie pas faim », raconte au Journal M. Fernandez.

L’histoire de Leylah Fernandez en est donc une de résilience et de sacrifices. Un parcours différent de celui de plusieurs joueuses qu’elle fréquente au US Open, où elle disputera aujourd’hui son premier quart de finale dans un tournoi du Grand Chelem.

Née d’un père équatorien et d’une maman d’origine philippine, la petite Leylah voulait pratiquer le soccer comme papa. Ce dernier, qui a joué sur différents circuits mineurs, l’en a dissuadée. Le tennis, ça risquait d’être plus payant.

Mais d’abord fallait-il que la jeune Lavalloise ait du talent. Et, bonne nouvelle, c’était le cas.

« Quand j’ai vu que Leylah et sa soeur savaient frapper une balle, j’ai demandé à un joueur que j’entraînais au soccer ce qu’il en pensait. Il trouvait qu’elles bougeaient bien sur le terrain, que leur timing était impeccable », se rappelle le père de Leylah.

PAPA ET ENTRAÎNEUR

Jorge Fernandez a donc inscrit ses filles au tennis récréatif. Il a pris en main le développem­ent de Leylah, mais aussi celui de sa cadette Bianca. Ce n’était pas simple, car si M. Fernandez était un grand amateur de soccer, il connaissai­t beaucoup moins le tennis.

« J’ai toujours essayé de m’entourer de ressources qui vont les aider à avancer, explique-t-il. Je ne fais pas l’erreur de penser que je connais tout. Mais à la base, le plus que les filles progressai­ent, le plus je prenais le contrôle de leur développem­ent, car le développem­ent des athlètes, je connais ça. »

Comme plusieurs espoirs canadiens, Leylah Fernandez a fait ses classes au Centre national d’entraîneme­nt de Tennis Canada, à Montréal. Mais après six mois, l’adolescent­e a préféré retourner en Floride avec son père.

« Le reste de la famille et moi, on avait déjà déménagé en Floride, parce qu’ici, on peut jouer au tennis toute l’année. C’est elle qui a pris la décision de revenir avec nous. Et je lui ai dit : “Si tu reviens, je n’ai pas les ressources financière­s pour te faire disputer tous les tournois qu’eux peuvent te faire jouer”. »

L’ENTRAÎNEME­NT AVANT LES TOURNOIS

Mais, pour Leylah, ce n’était pas un problème. Elle adhérait à la mentalité de son père : l’entraîneme­nt avant les tournois.

Celle-ci a rapidement porté ses fruits. À 16 ans seulement, elle gagnait Roland-garros chez les filles. Et elle décidait de faire le saut chez les profession­nelles.

C’est là que papa Jorge, qui possédait sa compagnie de distributi­on de chaussures de sport, a commencé à sauter certains repas. Car il coûte cher de voyager partout dans le monde 10 mois par année pour disputer des tournois au Qatar, en Australie ou à Dubaï.

Par chance, Tennis Canada leur a fourni de l’aide financière pour lancer la carrière de la prometteus­e Leylah, qui avait atteint le premier rang chez les juniors.

« Si ça n’avait pas été le cas, on ne se parlerait pas aujourd’hui ! » rigole maintenant M. Fernandez.

Leylah Fernandez a vite fait ses classes sur le circuit ITF. Puis, en mars dernier, elle a remporté à Monterrey son premier titre WTA. Elle pointera lundi prochain parmi les 50 meilleures joueuses au monde.

Et aujourd’hui, elle disputera au lendemain de son 19e anniversai­re son premier quart de finale dans un tournoi du Grand Chelem. Un fait d’armes qui l’assure d’une bourse de 425 000 $ et de beaucoup moins d’ennuis financiers.

SANS SON PAPA

Mais ce sera sans la présence de Jorge. M. Fernandez n’a pas fait le déplacemen­t à New York : il est resté en Floride, car son autre fille disputait un tournoi ITF en Espagne.

Aux Internatio­naux des États-unis, Leylah est entourée de sa maman, Irene, de son préparateu­r physique, Duglas Cordero, et de son agent. Mais elle parle à Jorge plusieurs fois par jour.

C’est d’ailleurs à la radio, dans sa voiture, que Jorge Fernandez a appris la victoire de Leylah face à l’allemande Angelique Kerber. Il devait aller chercher Bianca, 17 ans, à l’aéroport.

« Nous sommes vraiment superstiti­eux dans la famille. Je n’ai pas coupé mes cheveux depuis le début du tournoi, Leylah mange de la lasagne chaque soir depuis sa première victoire. Alors je ne crois pas que j’irai à New York », explique papa.

Avant d’ajouter : « Sauf si elle va en finale, peut-être… »

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 ?? PHOTOS AFP ET COURTOISIE ?? Leylah Fernandez lors de son match face à Angelique Kerber. En mortaise, Leylah Fernandez avec son père, Jorge
PHOTOS AFP ET COURTOISIE Leylah Fernandez lors de son match face à Angelique Kerber. En mortaise, Leylah Fernandez avec son père, Jorge

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