Le Journal de Quebec

Un cinéma qui en arrache

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

La tâche n’était pas facile pour Geneviève Schmidt : animer un gala célébrant l’excellence de notre cinéma une année où les cinémas ont été fermés si longtemps et où la majorité du public n’a pas vu une seule image des films mis en nomination dans les catégories principale­s. Mettons que l’excitation n’était pas au rendez-vous.

Il aurait fallu un gala hyper vitaminé pour compenser. Mais avec un numéro d’ouverture maladroit (pourquoi tout ce criage ?) et des présentati­ons anémiques, le gala d’hier soir n’a rien fait pour nous faire tomber en amour avec le millésime 2020-2021.

CINÉMA QUÉBÉCOIS 101

Il y a une chose que j’ai comprise après avoir visionné la majorité des films en nomination. Il y a une recette pour faire un film au Québec. La voici : 1. Prenez des personnage­s qui en arrachent. Une ado droguée dont les parents divorcent. Une ado mise enceinte à 13 ans. Une ado dont la mère est bipolaire qui est placée en foyer par la DPJ. Un ado abusé par un frère dans un pensionnat. Une ado humiliée par son père clown qui manque d’ambition. Un jeune mineur handicapé après un accident de voiture causé par son meilleur ami saoul. Et si vous racontez l’histoire d’une championne, disons une championne olympique, surtout montrez-la au moment où elle perd ses repères et quitte la compétitio­n.

2. Engagez des comédiens qui marmonnent. Pas grave si on comprend une réplique sur quatre. Nos films sont doublés pour la diffusion en France mais bientôt on devra les doubler pour le marché québécois parce qu’on ne comprend rien aux dialogues.

POUR LA SUITE DU MONDE

J’ai eu deux coups de coeur cette année : Jusqu’au déclin, premier film québécois pour Netflix (bien réalisé, bien joué, scénario solide). Et le documentai­re Les Rose, de

Félix Rose, qui m’a chamboulée parce qu’il m’a forcée à remettre en question toutes mes idées préconçues sur les felquistes. D’ailleurs, comment se fait-il que ce film, qui a obtenu autant d’appuis critiques, qui a été au coeur de tant de discussion­s et de débats et de controvers­es, avait d’abord été écarté de la catégorie Iris prix du public ? Pourquoi a-t-il fallu une levée de boucliers pour que ce documentai­re qui a tant touché le public québécois soit admissible au prix du public ?

Et comment se fait-il qu’il n’était pas en compétitio­n dans la catégorie « meilleur documentai­re »… ni dans aucune autre catégorie ? Est-ce que le milieu a eu peur de ce film trop politique ? Pourtant, quand je suis allée le voir, il n’y avait que des jeunes dans le cinéma ! Quand un film remporte un prix du public mais est boudé par le milieu, ça en dit long sur la déconnexio­n du milieu...

LA DÉESSE CAROLINE

Selon moi, le plus beau moment de la soirée a été la victoire de Caroline Néron, qui m’a tout simplement jetée à terre dans son rôle de mère dans La déesse des mouches à feu. Quel retour fulgurant pour celle qui a vécu des montagnes russes au cours des dernières années ! Qui aurait cru qu’elle avait ça en elle ? Quand Caroline a dit à sa fille « On peut tomber, se relever et réaliser des grandes choses », je me suis dit que ça aurait fait une belle scène dans un film…

Écoutez Sophie Durocher en semaine 17 h 30 ou en tout temps en balado sur qub.radio

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