Des profs qui ne savent pas écrire ? : vous êtes vraiment surpris ?
Chaque année ou presque, il y a ce moment médiatique où on redécouvre le fait suivant : beaucoup des futurs enseignants ne réussissent pas leur test de français.
Ce printemps ne fait pas exception, et depuis le début de la semaine, on propose un peu partout un tas d’explications pour rendre compte du phénomène. Personnellement, je n’y vois que la conséquence logique du jeu du marché, une inévitabilité économique.
FAIBLE COTE R
Il faut une cote R minimum de 30 pour devenir ingénieur logiciel, 34 pour devenir pharmacien, 31 pour devenir avocat, et ces programmes refusent des candidats à la pelle. Or, en 2015, l’étudiant le plus faible admis dans un programme pour devenir enseignant avait une cote R de 21. La cote moyenne des étudiants admis dans un programme en enseignement tourne, bon an mal an, autour de 27. Celle des étudiants collégiaux au grand complet : 25.
Le plus drôle dans tout ça, c’est que les programmes en enseignement sont eux aussi contingentés. À l’université de Montréal, en 2019, il y a eu deux fois plus de demandes d’admission qu’il y avait de places. Cela n’a pas empêché que le dernier admis ait des résultats scolaires pitoyables, bien en dessous de ceux d’un cégépien moyen.
REGARDER LA RÉALITÉ
Il faut donc regarder la réalité en face : lorsqu’un jeune est bon à l’école, il ne devient pas enseignant. Je ne dis pas que ça n’arrive jamais, il y a plein d’enseignants qui sont hautement qualifiés. Non, je pointe seulement une tendance lourde : l’ours moyen en éducation est moins doué que celui des autres programmes universitaires contingentés.
En grossissant un peu le trait, on pourrait même avancer, sans trop se tromper, qu’un étudiant sur deux dans une faculté d’éducation est moins bon à l’école qu’un adolescent de 17 ans pigé au hasard au cégep du Vieux.
Bref, l’éducation n’attire pas le talent. Et pour cause ! Elle essaie de faire compétition au génie, au droit, à la santé et aux sciences pures pour attirer les meilleurs cerveaux... Malheureusement, on parle ici d’une profession qui a perdu tout ce qu’il lui restait de prestige. Il n’y a aucun gain à faire dans la hiérarchie sociale en devenant prof. C’est le paradoxe québécois : on s’imagine des enseignants qui performent comme des médecins, alors qu’on les traite comme des commis de dépanneur.
Le marché, que je vous disais. On peut bien chialer à propos de la qualité de nos profs, patenter des programmes de valorisation pour redorer la profession, hausser les conditions d’admission à l’université… Le fait demeurera : c’est un métier qui n’a aucun attrait sur le marché de l’emploi. Et en refusant de s’attaquer de front à cette réalité, on se condamne collectivement à la médiocrité. Test de français, réussi ou non.