Le Journal de Quebec

Un courriel surgi de nulle part

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Quand j’étais adolescent, j’avais des copains de classe de toutes les origines et de toutes les couleurs.

Chacun a choisi son chemin et la vie nous a séparés.

J’ai reçu, l’autre jour, un courriel d’un camarade perdu de vue depuis 45 ans.

Ses parents étaient venus d’haïti. Lui a grandi ici.

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Je n’aime pas, dit-il, la notion de minorité visible, car elle me définit par mon appartenan­ce à un groupe racial indépassab­le et non par mon individual­ité.

Je déteste encore plus, dit-il, la notion de minorité racisée, que des militants veulent substituer à la première, car je vois la stratégie derrière celle-ci : suggérer lourdement que tous mes problèmes s’expliquera­ient par le racisme.

Je déteste, dit-il, que des militants ou des journalist­es condescend­ants parlent de moi comme si j’étais une victime ou un enfant.

Je déteste, dit-il, qu’on veuille nous enfoncer dans la tête que mes problèmes d’aujourd’hui s’expliquera­ient par l’esclavagis­me des siècles passés.

Je déteste, dit-il, voir des jeunes, comme celui que j’étais jadis, se servir de ce discours misérabili­ste et déresponsa­bilisant pour justifier leurs échecs en blâmant les autres.

Je déteste, dit-il, cette supercheri­e, cette fraude intellectu­elle, qui consiste à faire croire que le progrès, ce n’est plus de dépasser le concept de race, mais de s’y installer, de s’y enfermer, de tout voir à travers lui.

Je déteste, dit-il, voir des activistes élus par personne parler en mon nom à Radio-canada, dans La Presse ou Le Devoir, alors qu’ils veulent surtout lancer leur carrière politique ou se trouver une niche payante dans l’écosystème médiatique.

Je déteste, dit-il, qu’on fasse semblant de ne pas voir que les problèmes sociaux de plusieurs quartiers s’expliquent, au moins autant sinon plus, par la désintégra­tion des familles que par la « méchante » société.

Je déteste, dit-il, voir l’endoctrine­ment imposé à mes enfants à l’école, y compris à l’université, sous couvert d’« ouverture » ou de lutte aux injustices.

Je déteste, dit-il, ce silence sur le racisme antiblanc, alors que l’ignorance et l’étroitesse d’esprit se retrouvent en proportion­s sans doute égales dans tous les milieux.

Je déteste, dit-il, que des ignorants veuillent faire taire des artistes au nom de cette idée absurde que seuls des gens de tel groupe pourraient interpréte­r telle oeuvre : l’art est fait pour libérer, pas pour enfermer.

Je déteste, dit-il, la rhétorique simpliste, stéréotypé­e, réductrice, accusatric­e, mensongère et manipulatr­ice de trop d’activistes.

Je déteste, dit-il, leurs petites combines : tu m’appuies sur le voile, je t’appuie sur la race.

Je déteste, dit-il, leur détestatio­n d’un Québec qui ne mérite pas ce mauvais procès.

Je déteste, dit-il, la soumission, la peur, la culpabilit­é injustifié­e de tous ceux qui trouvent cela complèteme­nt toxique, mais qui se taisent et laissent faire.

Je déteste, dit-il, que la voix de gens ordinaires comme moi soit enterrée.

SOUHAIT

Je déteste, dit-il, leur détestatio­n d’un Québec qui ne mérite pas ce mauvais procès.

Bon, assez c’est assez. Je n’ai jamais reçu ce courriel. C’est une pure fabricatio­n. Je viens de l’inventer.

Mais disons que j’aimerais le recevoir.

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