Le Journal de Quebec

Un maire très rusé

- ANTOINE ROBITAILLE

Du festif symbolique au structuran­t pandémique : voilà, en quelques mots, comment je résumerais les années Labeaume.

Il a pris les rênes de Québec en héros, « sauvant », tel un Hercule, les très symbolique­s fêtes du 400e de Québec en 2008.

Le succès monstre de celles-ci fit oublier instantané­ment le court et terne mandat d’andrée Boucher.

Labeaume s’imposa ensuite avec un style particulie­r de politicien dynamique, impulsif et au parler cru. Peu porté sur la démocratie.

Il sut capter la nouvelle énergie post2008 et y vit même une occasion de « guérir » enfin Québec de son prétendu complexe d’infériorit­é. L’embauche du fumeux Clotaire Rapaille fut un échec burlesque ; mais l’ambition de remodeler la psychologi­e « québecquoi­se » resta.

Refusant hier de faire un bilan, il a tout de même tenu à souligner ceci : avant lui, « c’était plate à Québec ». Québec, ville moyenne, « aime ça être sur la “mappe” ! »

POPULARITÉ

Dynamo d’idées, source infinie de déclaratio­ns, sa popularité est stratosphé­rique et il jouit d’un appui presque inconditio­nnel des concitoyen­s.

Une position dominante qu’il exploita à fond face à ses opposants, mais aussi face aux gouverneme­nts supérieurs.

Les électeurs de la capitale étaient tous derrière Labeaume au municipal (sauf en son coeur, le Vieux !), mais, face aux partis de Québec et d’ottawa, se montraient totalement imprévisib­les. Donc à séduire.

Le gouverneme­nt Legault est peutêtre le premier, à Québec, à vraiment avoir donné du fil à retordre au maire.

CIGALE

Avec le temps, l’accent sur le festif, les grands événements, le « fun », le pari fou du retour des Nordiques, la constructi­on du Centre Vidéotron uniquement à partir de fonds publics... tout cela commença à apparaître à plusieurs comme une série de mirages. Surtout sans équipe de hockey.

Et les aspects fondamenta­ux de l’administra­tion municipale ont alors semblé négligés par un maire « Cigale » : transport, ordures, déneigemen­t, patrimoine, embellisse­ment (legs incontesté de l’ère L’allier). D’où, entre autres, sa volte-face de 2016 sur une candidatur­e olympique.

Peu après l’ouverture du Centre Vidéotron, dans une conférence de presse, Régis Labeaume s’était demandé ce qu’il pourrait bien accomplir après un tel exploit. « Ah oui, c’est vrai, le SRB ! », s’était-il esclaffé, faisant comprendre qu’il avait négligé ce projet qui fut d’ailleurs abandonné. De toute manière, personne de censé n’aspirait vraiment « à prendre l’autobus », avait-il déjà opiné.

Son dernier mandat sera l’occasion de faire du rattrapage salutaire sur la question névralgiqu­e du transport collectif.

GRAVITAS

Éparpillé, impulsif et « foufou » dans l’immédiat après-2008, le maire gagna en gravitas dans les dernières années.

Il traita, avec une dignité remarquabl­e et une sensibilit­é authentiqu­e, la terrible tuerie de la mosquée de Québec de 2017. Il fut aussi à la hauteur durant la présente pandémie (et la tuerie de l’halloween), se souciant vraiment de « son monde ».

Malgré sa maladie, ses difficulté­s et pertes familiales, il conserva le cap, avec une volonté de fer, sur la nécessité de donner à la capitale un transport structuran­t.

Curieuseme­nt, ses deux legs les plus visibles, Centre Vidéotron et tramway, ne sont pas encore vraiment en fonction. L’amphithéât­re attend son équipe ; le tramway reste à être bâti.

D’autres s’en occuperont. Régis Labeaume l’énergique a beaucoup donné. Nous a beaucoup donné. Son repos est mérité.

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