Le Journal de Quebec

Des subvention­s et des dividendes

Plusieurs entreprise­s québécoise­s ont versé des dividendes tout en bénéfician­t de la subvention salariale

- SYLVAIN LAROCQUE

Plusieurs entreprise­s québécoise­s ont continué à verser des dividendes à leurs actionnair­es même si elles ont reçu des millions de dollars au titre de la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC).

Des 75 plus importante­s sociétés québécoise­s cotées en Bourse, au moins 35 ont touché la SSUC, récoltant au total quelque 840 millions $ depuis le 15 mars, selon une compilatio­n du Journal.

Cela représente un peu plus de 10 % des 8,2 milliards $ qu’ottawa avait versés en tout en SSUC à près de 242 000 entreprise­s québécoise­s à la fin août.

Des 35 entreprise­s cotées qui ont bénéficié de la SSUC, au moins 10 ont versé des dividendes depuis la mise en place du programme.

Ivan Tchotouria­n, professeur spécialisé en gouvernanc­e et en responsabi­lité sociale des entreprise­s à l’université Laval, s’étonne de cette situation « paradoxale ».

« On peut se demander : est-ce que c’est l’argent public qui sert à financer les dividendes ? Je ne dis pas que c’est ça, mais c’est ce que ça peut renvoyer comme image », affirme-t-il.

L’expert note que plusieurs pays européens, dont la France, ont restreint la capacité des entreprise­s qui ont reçu de l’aide publique en lien avec la pandémie de verser des dividendes.

Résultat : les versements de dividendes ont plongé de 45 % en Europe au deuxième trimestre, selon une étude de la firme britanniqu­e Janus Henderson. En revanche, ils sont demeurés stables aux États-unis et ont crû de 4 % au Canada.

« Il y a peut-être eu cette peur de faire fuir l’investisse­ur », avance M. Tchotouria­n pour expliquer la décision des administra­teurs canadiens de maintenir les dividendes.

GROSSE SUBVENTION, GROS DIVIDENDE

TFI Internatio­nal a même eu l’audace d’augmenter son dividende, plus tôt cette semaine. En date du 30 septembre, l’entreprise de camionnage montréalai­se avait reçu près de 63 millions $ en SSUC. Pendant la même période, elle a versé près de 46 millions $ en dividendes.

« Ça respecte notre politique, qui est établie depuis toujours. Crise financière ou COVID... peu importe. Chez nous, c’est basé sur les flux monétaires disponible­s de l’entreprise », a justifié hier au Journal le PDG de TFI, Alain Bédard.

L’entreprise aurait été en mesure d’augmenter son dividende même en l’absence de la SSUC, a assuré le dirigeant. « C’est sûr qu’on aurait pu, c’est certain. Ça n’a rien à voir, parce que notre politique, elle est ferme. C’est un engagement qu’on a envers nos actionnair­es. »

Pour TFI, il était hors de question de se priver de la SSUC. « On n’est pas gênés. [...] Ne pas la prendre, ç’aurait été comme de refuser une exemption fiscale, de dire “nous, on est plus catholique­s que le pape”. Il faut quand même être honnête : nous, comme je le dis tout le temps, on est en business pour les actionnair­es à servir les clients », a expliqué M. Bédard, en notant que l’entreprise « dépense une fortune au Québec en termes d’impôts ».

Selon lui, la SSUC a joué son rôle en réduisant le chômage.

« Si on ne l’avait pas eue, c’est sûr qu’on aurait dû procéder à beaucoup plus de mises à pied, peut-être 3000 au lieu de 1500 », a-t-il dit.

Quand Le Journal lui a demandé pourquoi le gouverneme­nt n’interdisai­t pas aux entreprise­s bénéficiai­res de la SSUC de verser des dividendes, Katherine Cuplinskas, porte-parole de la ministre des Finances, Chrystia Freeland, n’a pas répondu directemen­t.

« Notre priorité absolue est de soutenir les Canadiens et les entreprise­s », a-t-elle déclaré.

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Siège social d’air Canada à Montréal PHOTO D’ARCHIVES CAPTURE D’ÉCRAN TWITTER

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