Le Journal de Quebec

Rozon se pose en victime

Il jure que c’est la plaignante qui s’est mise « à califourch­on » sur lui pendant son sommeil, pas le contraire

- MICHAËL NGUYEN

Au premier jour de son témoignage, Gilbert Rozon a nié avoir violé une femme en 1980 et s’est plutôt posé en victime, en affirmant que c’est la plaignante qui s’est mise « à califourch­on » sur lui pendant son sommeil.

« Je n’inventerai­s pas une histoire comme ça, c’est la vérité, c’est ce que j’ai vécu », a lancé le fondateur de Juste pour rire, hier au palais de justice de Montréal.

Accusé de viol et d’attentat à la pudeur, le magnat de l’humour déchu âgé de 65 ans a pris la barre des témoins afin de livrer sa version des faits, niant catégoriqu­ement tout acte criminel.

Car si la plaignante a affirmé avoir été violée pendant qu’elle dormait, Rozon a prétendu que c’est exactement le contraire qui s’est passé ce matin de 1980.

« Je me suis réveillé, elle était à califourch­on sur moi en train de me faire l’amour, a-t-il décrit. Elle regardait au loin, je me demandais si elle se faisait l’amour sur moi. Je me suis laissé faire, j’ai pris mon plaisir. J’ai accepté mon sort parce que ça m’arrangeait. »

Fait à noter, Rozon a utilisé les mêmes mots que ceux de la plaignante dans son témoignage de la veille, qui avait alors affirmé s’être sentie en colère de l’avoir « laissé faire » alors qu’elle s’était débattue quelques heures plus tôt.

« La culpabilit­é et la honte, ça ne devrait pas appartenir aux victimes, a-t-elle ajouté hier. Je me sens coupable de ne pas m’être défendue davantage. Je le sais intellectu­ellement que ce n’est pas à moi d’avoir honte, mais 40 ans plus tard c’est encore ça que je ressens. »

DEUX VERSIONS OPPOSÉES

En fait, dans la version de la plaignante et celle de Rozon, la seule similitude est qu’ils disent être allés dans une discothèqu­e de Saint-sauveur, dans les Laurentide­s, dans les heures précédant la relation sexuelle. Pour le reste, tout est différent.

La plaignante a soutenu que la soirée s’est déroulée de façon « neutre ». Rozon, lui, a plutôt affirmé qu’elle s’est bien passée.

« Je pense qu’on avait un intérêt palpable l’un pour l’autre, on se regardait dans les yeux, elle rigolait de mes blagues qui ne sont pas toujours bonnes », a-t-il dit.

Par la suite, la plaignante a mentionné que Rozon a prétexté devoir aller chercher des documents chez sa secrétaire pour l’emmener dans une maison.

UN DERNIER VERRE

Rozon, qui a livré un récit avec de nombreux points précis malgré le temps qui s’est écoulé, prétend pour sa part l’avoir invitée à « prendre un dernier verre », ce que la femme a accepté.

Quant au moment où, sur un canapé, la plaignante a dû repousser les avances de Rozon, ce dernier l’a confirmé en substance, tout en niant avoir arraché des boutons de la blouse de la femme.

« J’ai arrêté tout de suite », a-t-il juré en ajoutant ne pas avoir posé de questions. Il a ensuite insisté pour dire qu’il ne tenait pas absolument à avoir une relation sexuelle avec elle.

« Ce n’est pas un tableau de chasse », s’est-il justifié en contre-interrogat­oire.

Et c’est justement en raison du refus de la femme que Rozon a assuré qu’il a été « plus que surpris » quand il dit s’être réveillé avec elle sur lui.

« Je me suis dit : elle est ben weird.

J’étais tellement surpris que ça a un peu gâché mon plaisir. J’ai raconté l’histoire à des amis, sans la nommer, tellement ça m’avait saisi », a-t-il expliqué à la cour.

Peu après, Rozon aurait ramené la femme chez elle, toujours sans poser de questions. « Ça ne me tentait pas de picosser », a-t-il laissé tomber.

À VOS RISQUES

Peu avant le témoignage de Rozon hier, une ancienne collègue de travail de la plaignante est venue expliquer que cette dernière lui avait mentionné être sortie avec Rozon, mais qu’elle avait dû « se débattre » et qu’elle en avait perdu sa petite culotte.

« Je lui ai répondu que la morale de l’histoire, c’est que faire un tour de voiture avec Gilbert Rozon, c’est à nos risques et périls de perdre sa petite culotte », a affirmé la femme qui, tout comme la plaignante, ne peut être nommée sur ordre du tribunal.

Le procès, devant la juge Mélanie Hébert, se poursuit aujourd’hui avec la fin du témoignage de Gilbert Rozon.

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PHOTO AGENCE QMI, JOËL LEMAY Gilbert Rozon s’est présenté au palais de justice de Montréal hier, où il s’est décrit comme une victime de cette soirée de 1980, où il aurait violé une femme dans son sommeil.

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