Le Journal de Quebec

Trois ex-policiers acquittés

Ces anciens hauts gradés de la SQ étaient accusés d’abus de confiance, de fraude et de vol

- CLAUDIA BERTHIAUME

Après « sept ans d’enfer », trois ex-hauts gradés de la Sûreté du Québec ont été acquittés, hier, d’accusation­s de fraude, de vol et d’abus de confiance qui pesaient contre eux relativeme­nt à l’utilisatio­n d’un fonds de dépenses secret.

L’ex-directeur général Richard Deschesnes, l’ancien directeur général adjoint Steven Chabot et l’ex-inspecteur-chef Alfred Tremblay étaient tout sourire après l’annonce du verdict, hier, faisant des accolades aux nombreux policiers retraités venus les soutenir, au palais de justice de Montréal.

Les trois anciens hauts gradés de la Sûreté du Québec (SQ) ont même eu droit à des applaudiss­ements nourris lorsque la juge Josée Bélanger a quitté la salle d’audience, après avoir prononcé leur acquitteme­nt.

La magistrate a mis près de deux heures à lire une part de sa décision de 106 pages.

PAS UN CRIME

Peut-être que Richard Deschesnes en menait large à la SQ, peut-être qu’il a pris des moyens détournés pour payer des dépenses légitimes, peut-être que cela manquait d’éthique, mais il n’a commis aucun crime, a tranché la juge Bélanger.

La Couronne alléguait que l’ex-dg avait commis un abus de confiance, un vol et une fraude de plus de 5000 $ en utilisant le fonds secret pour régler des litiges administra­tifs au profit de ses coaccusés, Steven Chabot et Alfred Tremblay.

Chabot a obtenu un chèque de 167 931 $ à quelques jours de sa retraite, en 2010, tandis que Tremblay a reçu 79 877 $.

Le premier a reçu cette somme pour rester employé de la police provincial­e, à la demande de Deschesnes, afin de ne pas mettre en péril d’importante­s enquêtes criminelle­s, telles que Sharqc et Diligence.

Le second a reçu cet argent pour mettre fin à un litige judiciaire qui l’opposait à son employeur, qu’il accusait de harcèlemen­t psychologi­que pour l’avoir « parqué dans une garde-robe » en fin de carrière.

VOYAGES, ALCOOL ET GOLF

Or, le fonds secret de dépenses est habituelle­ment utilisé pour payer des informateu­rs lors d’enquêtes sur le crime organisé.

Dans le cadre du procès, il a toutefois été possible d’apprendre que le fonds secret était utilisé à plusieurs autres fins, souvent bien éloignées de la mission initiale.

Tournois de golf, voyages, équipement informatiq­ue, cotisation à l’ordre des psychologu­es, abonnement à La Presse, alcool et nourriture : à peu près tout pouvait passer dans les dépenses secrètes sans être soumis au contrôleur des finances.

Ainsi, Deschesnes plaidait que les sommes versées à ces subalterne­s étaient des dépenses légitimes, soit pour des besoins opérationn­els, soit pour éviter une contestati­on judiciaire publique.

« MAUVAISES PRATIQUES »

« Selon l’ensemble de la preuve, le tribunal estime que [cela] s’apparente à de mauvaises pratiques administra­tives qui se sont installées à la SQ et se sont perpétuées jusqu’à l’époque des infraction­s. La preuve révèle que Deschesnes les a suivies », a conclu la juge Bélanger, ajoutant qu’elle n’avait pas à approuver ou critiquer ces pratiques.

Quant à Chabot et Tremblay, ils étaient convaincus que le DG avait la légitimité de leur verser ces sommes, une croyance que la juge Bélanger a estimée sincère.

L’enquête ayant débuté en 2012 a mené au dépôt d’accusation­s en 2014. Cinq ans de procédures judiciaire­s ont suivi, dont la moitié a été consacrée au procès, qui s’est échelonné sur 52 jours.

« Mon client est soulagé. [Ça fait] sept ans qu’il attend après ce verdict-là, sept ans qu’il subit l’enfer d’être accusé, enquêté, l’objet de commentair­es dans les médias et les médias sociaux », a réagi Me Philip D. Schneider, qui représenta­it Alfred Tremblay avec Me Cynthia Lacombe. « Ç’a été très difficile pour lui et les membres de sa famille. Évidemment, le dénouement lui donne raison d’y avoir cru tout au long », a renchéri Me Thomas Villeneuve, qui défendait Steven Chabot. L’avocat de Richard Deschesnes, Me Giuseppe Battista, a préféré ne pas faire de commentair­es aux médias.

La Couronne étudiera le jugement avant de prendre une décision quant à un appel.

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Les trois exhauts gradés acquittés hier : (1.) l’ex-dg Richard Deschesnes, (2.) l’ex-dg adjoint Steven Chabot et (3.) l’ex-inspecteur-chef Alfred Tremblay.
PHOTOS D’ARCHIVES Les trois exhauts gradés acquittés hier : (1.) l’ex-dg Richard Deschesnes, (2.) l’ex-dg adjoint Steven Chabot et (3.) l’ex-inspecteur-chef Alfred Tremblay.
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