Le Journal de Quebec

Des retombées gonflées de 60 %

IQ forcé de refaire ses devoirs à la suite des critiques de la vérificatr­ice générale

- SYLVAIN LAROCQUE

Pendant des années, Investisse­ment Québec a grandement exagéré les retombées économique­s de ses interventi­ons. Quand l’organisme a révisé sa méthodolog­ie à la suite des critiques de la vérificatr­ice générale, elles ont fondu de… 60 %!

André Lemelin, un professeur associé de L’INRS qui connaît bien le calcul des retombées économique­s, a souvent vu des surévaluat­ions. « Mais de l’ordre de 60 %, non. Moi, je n’ai jamais vu ça », lâche-t-il.

« Si tout le monde avait mesuré comme ça, c’est fou les millions d’emplois qui auraient été créés au Québec! », renchérit Luc Bernier de la Chaire Jarislowsk­y sur la gestion dans le secteur public de l’université d’ottawa.

La vérificatr­ice générale, Guylaine Leclerc, avait dénoncé la méthode de calcul des retombées D’IQ en juin 2016. L’an dernier, la société d’état l’a donc changée, ce qui a permis de constater les excès de l’ancienne formule.

Pour 2016-2017, seule année pour laquelle les calculs ont été faits avec les deux méthodolog­ies, le nombre d’« emplois soutenus » qu’iq s’est attribués est passé de 46 771 à 18 241.

Même baisse de 60 % pour la « valeur ajoutée attribuabl­e » à IQ, qui a dégringolé de 4,09 milliards $ à 1,66 milliard $. Idem quant aux « recettes fiscales et parafiscal­es » découlant de ses interventi­ons, qui ne sont plus que de 246 millions $, contre 614 M$ auparavant.

La chute est encore plus vertigineu­se pour les retombées attribuées directemen­t aux projets du secteur privé, financés par IQ. Dans ce créneau, la baisse frise les 90 %. Ainsi, le nombre d’emplois soutenus est passé de 14 249 à 1752, tandis que les recettes fiscales et parafiscal­es ont déboulé de 236 M$ à moins de 26 M$.

FORMULE ERRONÉE

Auparavant, IQ s’attribuait 21 % à 48 % des emplois d’une entreprise, alors que son soutien financier comptait généraleme­nt pour beaucoup moins, en pourcentag­e, dans le financemen­t total de l’entreprise. D’où le gonflement des chiffres.

« Comme la méthode précédente n’avait aucun bon sens, eh bien c’est normal que la nouvelle méthode donne des résultats beaucoup plus modestes », note M. Lemelin.

Reste une lacune importante: IQ continue toujours de se fier aux intentions d’investisse­ment et d’embauche des entreprise­s pour calculer ses retombées.

Comme l’a décrié hier la Fédération canadienne des contribuab­les, l’organisme ne fait pas de suivi, deux ou trois ans plus tard, pour vérifier le nombre d’emplois réellement créés par les entreprise­s qu’elle a aidées.

TROIS RECOMMANDA­TIONS IGNORÉES

Outre celle sur les retombées, IQ a répondu à six autres des dix recommanda­tions formulées par la vérificatr­ice générale en 2016. La société d’état est toutefois restée sourde à trois autres recommanda­tions, dont l’une sur ses frais d’administra­tion et l’autre sur les primes versées à ses employés.

Depuis 2014-2015, les frais d’administra­tion ont bondi de près de 5 % par année, en moyenne, pour atteindre 103 M$ l’an dernier.

Quant aux bonis, qui ont totalisé 5 M$ en 2018-2019, « les cibles à respecter pour leur attributio­n ne peuvent être qualifiées de contraigna­ntes », a encore déploré la vérificatr­ice générale en mai.

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Le PDG d’investisse­ment Québec, Guy Leblanc, et son ami, le ministre Pierre Fitzgibbon, lors de l’annonce de la nomination de M. Leblanc, en avril dernier.

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