Signes religieux : la CAQ devra faire mieux
À voir le ministre Simon Jolin-barrette peiner à expliquer le bien fondé de sa réforme en immigration, on peut craindre un accouchement douloureux pour son projet de loi attendu sur l’interdiction du port des signes religieux, qui sème la division même à l’interne.
Le ministre de l’immigration, censé faire partie des meilleurs communicateurs du gouvernement Legault, a frappé une fausse balle. Le dépôt de sa législation s’est fait dans le désordre. L’absence de réponses claires et les différentes interprétations qui en ont découlé ont prêté le flanc à la démonisation de la réforme.
En tirant un trait sur les 18000 demandes d’immigration accumulées et non traitées au fil des ans, il était incapable de dire combien d’individus déjà entrés au Québec se trouveraient affectés.
Depuis, toutes les spéculations sont permises. Le PLQ a eu beau jeu de décrier une situation « inhumaine ». On pouvait imaginer des milliers de personnes pleines d’espoir chassées par un ministre sans coeur, aveuglé par le dogme d’une immigration uniquement basée sur les besoins de main-d’oeuvre.
Trois jours plus tard, son bureau a fourni des chiffres dans la confusion. Selon un calcul basé sur une moyenne, 5500 personnes vivraient déjà ici et seraient forcées de reprendre leur demande du début. Le drame, c’est que la CAQ ne le savait pas en présentant un projet de loi aussi important. Elle n’avait pas mesuré l’impact de sa décision. Et on ne parle pas encore des tests de valeurs et de français. Pour imposer des conditions à l’obtention de la résidence permanente, le gouvernement Legault comptait sur l’approbation d’ottawa, qui a répondu par la négative avec dédain. Que se passe-t-il ensuite ? On ne le sait pas…
LE DÉFI DES SIGNES RELIGIEUX
C’est dans ce contexte que Simon Jolin-barrette doit bientôt déposer l’autre pièce législative controversée de la saison, celle sur l’interdiction du port des signes religieux pour les personnes en autorité.
Est-ce que le gouvernement caquiste accordera un droit acquis aux actuels enseignants pour les soustraire ? Les députés caquistes sont divisés sur la question.
François Legault répétait en décembre son intention de procéder « sans clause grand-père », mais il est maintenant tenté de jeter du lest pour obtenir l’appui du Parti québécois. Il se rangerait aussi aux arguments du ministre Jolin-barrette, partisan du compromis.
PLUTÔT CONTRE
Lors du caucus de rentrée de la CAQ à Gatineau, une douzaine de députés ont pris la parole et presque tous ont plaidé contre un droit acquis.
Parmi les tenants de la ligne dure, un élu souligne toutefois qu’il y a « moyen de le faire de façon humaine, tout en étant ferme sur le principe ». Une solution avancée serait de fixer une période d’adaptation assez longue pour que les enseignants actuels puissent se conformer.
Un autre élu consulté fait valoir qu’une clause grand-père permettrait probablement d’obtenir l’adhésion du PQ et ainsi de rallier plus de voix en faveur de ce changement important. « On est sur un enjeu moral, c’est normal de chercher un certain consensus social », souligne-t-il.
Accorder un droit acquis, ce serait instaurer un système à deux vitesses.
Logiquement, pour que le principe se défende, il vaudrait mieux qu’il soit le même pour tous. Ne pas donner de passe-droit aux écoles privées. Et placer le crucifix ailleurs qu’au salon Bleu. François Legault devra trancher. Et à ce moment, il vaudrait mieux que le ministre Jolin-barrette soit mieux préparé...