Des témoignages mis en musique
Le musicien Hugo Blouin s’inspire de la commission Charbonneau
Non, l’ex-maire de Montréal Gérald Tremblay et l’entrepreneur Joe Borsellino ne se sont pas lancés dans une carrière en musique. Pourtant, leurs noms figurent bel et bien aux crédits des pièces de Charbonneau ou Les valeurs à’ bonne place, un album jazz composé à partir des témoignages et d’écoutes électroniques entendus dans le cadre de la commission Charbonneau.
Ce projet pour le moins insolite, on le doit au compositeur et contrebassiste Hugo Blouin, membre du groupe MAZ et du trio Jonathan Turgeon.
Fasciné par la « musique » que l’on retrouve dans le monde en général (il a déjà composé du free jazz avec des chants d’oiseaux et de la musique traditionnelle avec le son de moteurs de bateaux), l’artiste a eu une révélation peu après le début des audiences, en 2012.
« Le premier extrait qui m’a donné envie de faire de la musique avec ça, c’est l’appel d’intimidation qui a été fait par un présumé mafieux à un entrepreneur de Québec parce qu’il serait allé faire de la céramique à Montréal », a-t-il expliqué, en entrevue.
« Quand j’ai entendu ça, je me suis dit que ça n’avait pas d’allure. Je me disais : nous sommes dans Omertà. Mais non, c’était bel et bien la vraie vie. C’était plus grand que nature. Il fallait que je m’en mêle. »
LONGUE HALEINE
Le musicien a travaillé durant quatre ans sur les neuf pièces que le public pourra se procurer à compter de demain, dans leur version électronique. Parmi elles, on compte le premier extrait de l’album, Does it mean bateau ?, mais aussi Le winibago, Des valeurs d’entraide et Everything is truqué.
« J’ai écouté des bouts de tous les principaux témoins. Je m’intéressais à ceux qui sonnaient bien et à ceux qui disaient des choses intéressantes. Je me suis beaucoup intéressé à Gérald Tremblay, qui revient dans plusieurs chansons », a-t-il souligné.
Interprétées par six musiciens et deux chanteuses, les pièces du disque se veulent drôles et loufoques, même si elles ont été créées dans le cadre d’une démarche artistique des plus sérieuse.
« Rire, c’est vraiment sérieux. Oui, j’adore cette musique-là, je me suis investi dans ces compositions, mais l’art a plusieurs rôles et l’un d’eux, c’est de s’approprier des choses. Selon moi, il n’y avait pas de raison qu’on ne fasse pas d’art à partir de la commission Charbonneau. »
PERTINENT
Bien que le rapport de la commission Charbonneau ait été déposé il y a plus de deux ans, le musicien ne considère pas qu’il soit trop tard pour revenir sur le sujet. Il a même assez de matériel pour enregistrer un deuxième album.
« C’est sûr que ça aurait été fabuleux de profiter du timing de la remise du rapport, mais je crois que le sujet est encore pertinent [...] On parle encore du Faubourg Contrecoeur, de Nathalie Normandeau. Je pense même que c’est plus facile d’en rire, maintenant que c’est passé. »
Nous autres on a déposé un prix/ Le prix est truqué/ All I’m saying is that/i was truqué, everything there is truqué/le prix est truqué » – Everything is truqué, témoignage de G. Borsellino J’me rappelle’ pas, mais je’l savais pas/je pense que la température est une chose importante/j’ai un blanc d’mémoire, là/je consomme des calmants » – Does it mean bateau ?, témoignages de J. Boulet, G. Borselino, N. Milloto, G. Surprenant et G. Tremblay.
L’album sera accessible à compter de demain sur la page Bandcamp du projet( les valeurs a bonne place. bandcamp.com). Un lancement avec prestation aura lieu le même jour à la Sala Rossa, dès 18 h.