Haine commune
L’attaque au camion-bélier à Toronto fut l’occasion pour plusieurs personnes de découvrir l’existence du très glauque mouvement « incel », ces jeunes hommes qui blâment les femmes pour les relations difficiles qu’ils entretiennent avec elles.
Aussitôt, plusieurs s’empressent de présenter l’auteur de la tuerie comme un individu isolé, un extrémiste qui, de toute façon, méritait manifestement le désamour que les femmes lui portaient. Surtout, ne pas aller jusqu’à se demander ce qu’un tel événement pourrait révéler sur la société dans laquelle il a eu lieu, pensez donc!
« Non à la culpabilisation », dit-on.
FÉMINISME RÉVOLU ?
Pourtant, comme lors des fusillades de la Polytechnique ou de la grande mosquée de Québec, il faut bien constater que si les difficultés personnelles de l’auteur expliquent son geste en bonne partie, il en voulait manifestement à des groupes qui font régulièrement l’objet de propos haineux.
On entend souvent dire que le temps du féminisme est révolu, puisque l’égalité entre les sexes serait désormais atteinte. Heureusement, a-t-on envie de dire, puisque lorsque survient un crime contre une femme, une agression sexuelle par exemple, on lira à plusieurs endroits que la plaignante l’a sans doute cherché ou qu’il s’agit probablement d’une profiteuse. Traite-ton les hommes ainsi ?
On voit aussi parfois des messieurs bien comme il faut, qui s’affichent en famille sur Facebook et qui indiquent leur lieu de travail, critiquer ces femmes à qui « ça ne tente jamais ».
UN TERREAU D’AGRESSIVITÉ
Comme chroniqueur, je suis également obligé de constater que les femmes qui écrivent dans les médias font l’objet de critiques bien plus agressives et personnelles que leurs collègues masculins.
À la fin, il faut être lucide. Non, il n’y a pas un « incel » au détour de chaque rue, prêt à foncer sur les gens en camion. Cela dit, nier que ce phénomène se développe dans un terreau où l’agressivité envers les femmes est chose commune, c’est se voiler la face.