L’UPAC soupçonnait « son » procureur de faire des fuites
Une enquête amorcée en 2012 a duré au moins trois ans, mais n’a débouché sur aucune accusation
L’unité permanente anticorruption (UPAC) a enquêté pendant au moins trois ans sur un réputé procureur de la Couronne parce qu’elle le soupçonnait d’avoir coulé de l’information confidentielle, a appris notre Bureau d’enquête.
Une série de rapports d’enquête que nous avons consultés indique que le juge Sylvain Lépine s’est retrouvé dans la mire de la police à partir de 2012.
Me Lépine était, à ce moment, chef du Bureau de la lutte contre la corruption, chargé de mener à bien les poursuites judiciaires découlant des enquêtes de L’UPAC.
Ironiquement, L’UPAC se trouvait donc à mener une enquête sur « son » procureur, c’est-à-dire celui avec qui elle travaillait étroitement pour étoffer ses dossiers.
Les démarches policières ont mené à plusieurs interrogatoires. Un dossier a même été soumis pour étude au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) avant d’être tabletté. Aucune accusation n’en a découlé à ce jour.
PLAINTE DE LINO ZAMBITO
La dénonciation visant Sylvain Lépine est arrivée en septembre 2012 de la bouche de nul autre que l’ex-entrepre- neur et témoin-vedette de la commission Charbonneau Lino Zambito.
M. Zambito a raconté à deux enquêteurs de L’UPAC que Me Lépine aurait ébruité des informations d’enquête confidentielles à propos d’une possible participation de l’ex-ministre Sam Hamad à du financement illégal pour le compte du Parti libéral du Québec.
LA GRC IMPLIQUÉE
Lino Zambito a éventé partiellement cette histoire dans sa biographie publiée en 2016. On ignorait cependant que ses dénonciations avaient été prises assez au sérieux pour qu’une enquête policière en bonne et due forme soit menée.
L’UPAC a même dû recourir aux services de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) pour effectuer des interrogatoires, par souci de transparence, compte tenu du rôle névralgique de Sylvain Lépine.
Rencontré par la GRC, Me Lépine a nié avoir commis une fuite d’information confidentielle (voir ci-contre).
Alors que l’enquête battait son plein, en octobre 2012, Sylvain Lépine a tout de même été nommé juge à la Cour du Québec.
ENQUÊTE EN COURS
En février 2015, L’UPAC était en attente d’un retour du DPCP dans ce dossier. C’est le DPCP qui détermine s’il y a lieu ou non de déposer des accusations criminelles. Selon nos informations, le dossier n’est toujours pas clos à ce jour.
En prenant connaissance de toutes les démarches effectuées par les policiers dans cette affaire, on constate que la chasse aux fuites d’information confidentielle est devenue une préoccupation récurrente pour L’UPAC.
D’ailleurs, une autre enquête pour fuites d’information est toujours en cours concernant le projet Mâchurer (qui porte sur des allégations de financement illégal au Parti libéral). Cette enquête a fait couler beaucoup d’encre depuis un an, notamment parce qu’elle a mené à l’arrestation du député Guy Ouellette, qui n’a pas été accusé.
PAS DE COMMENTAIRES
Joints par notre Bureau d’enquête, L’UPAC et le DPCP n’ont pas voulu émettre de commentaires à propos du statut actuel de l’enquête concernant Sylvain Lépine.
Le juge Lépine n’a pas donné suite à notre requête pour obtenir ses commentaires.
« [SYLVAIN LÉPINE] CROIT AVOIR DISCUTÉ DE L’ACTUALITÉ EN GÉNÉRAL ET SÛREMENT DE POLITIQUE. TOUTEFOIS, M. LÉPINE EST CATÉGORIQUE : IL N’A PAS PARLÉ DU DOSSIER [CONFIDENTIEL] » – Extrait d’un rapport de police