Le Journal de Quebec

« Je me suis battu toute ma vie »

L’ingénieur québécois Étienne Cliche a fait sa place en Série NASCAR

- LOUIS BUTCHER

DAYTONA BEACH | Malgré son horaire très chargé et ses tâches colossales au sein de l’écurie Richard Childress Racing, Étienne Cliche s’est fait un grand plaisir de nous parler de son parcours peu banal qui l’a mené dans les plus hautes sphères du NASCAR.

D’entrée de jeu, le Québécois de 31 ans, originaire de Vallée-jonction, a tenu à nous remercier de l’attention que nous lui avons accordée lors de son passage, cette semaine en Floride, pour la couverture du Daytona 500.

« C’est très aimable, a-t-il déclaré dans une entrevue d’une trentaine de minutes, d’avoir pensé à moi. Je suis flatté. Disons que je ne suis pas habitué à répondre aux questions des journalist­es. »

S’il a beau prétendre qu’il est un travailleu­r dans l’ombre, on a rapidement constaté qu’il était un rouage important au sein de cette organisati­on dont la réputation n’est plus à faire dans le monde du stock-car.

C’est Richard Childress Racing qui a procuré à la légende Dale Earnhardt père six de ses sept championna­ts en première division du NASCAR dans les années 1980 et 1990.

Sa tâche d’ingénieur principal en Série Xfinity lui vaut d’occuper le rôle le plus important dans la hiérarchie au sein de l’écurie sur le terrain après le chef d’équipe, Nick Harrison.

UNE LEÇON DE VIE

Constammen­t rivé sur son ordinateur pendant que la voiture est en piste, il vérifie tous les paramètres pour améliorer les performanc­es de la Chevrolet Camaro pilotée en fin de semaine par Austin Dillon (no 3).

Cliche est un autre de ces passionnés qui ont suivi les traces de papa. François a fait de la course au circuit de Val-bélair à l’époque de la Série NASCAR Nord.

Si un accident sérieux a ralenti ses ardeurs sur la piste, une très mauvaise nouvelle l’a contraint à tout abandonner. Non seulement son hobby, mais aussi son travail. Pour se consacrer entièremen­t à son fils.

Étienne a été diagnostiq­ué à l’âge de 18 mois d’un cancer des muscles (myosarcome) qui a aussi attaqué sa vessie.

« J’ai été malade pendant cinq ans, raconte-t-il. J’ai dû subir une trentaine d’opérations. Mais aujourd’hui, je suis en santé. Je vis avec une vessie artificiel­le. »

Grâce à son père, il a pu s’adonner au karting à partir de l’âge de huit ans, comme tout jeune qui aspire à une carrière de pilote.

« J’ai participé à des Coupes du Québec, poursuit-il, un peu partout en province, puis, quelques années plus tard, mon père m’a acheté une voiture de type Sportsman. » La course, c’est une affaire de famille chez les Cliche. « Mon grand-père [du côté maternel] a été coureur et mon frère [Marc-andré] l’est encore dans la série ACT. »

RENCONTRE DÉTERMINAN­TE

Comme il n’avait pas beaucoup d’argent pour courir, Cliche a choisi de s’orienter d’abord vers le métier de mécanicien, ce qu’il a appris pendant six mois avec Mario Gosselin, un autre ambassadeu­r de la Beauce au nord de la frontière.

« Je lui dois beaucoup, avoue-t-il. Mais, entre-temps, ce désir de rouler à bord d’une voiture était encore trop fort. En 2013, je me suis acheté un bolide de la catégorie Tour Modified, au volant duquel j’ai peiné en raison d’ennuis mécaniques à répétition.

« Puis, trois ans plus tard, j’ai décidé de m’inscrire à un championna­t [Speed Week] qui a lieu la même semaine que le Daytona 500 sur le petit ovale de New Smyrna. »

Cette participat­ion du diplômé de l’université Laval en génie mécanique lui ouvrira grandes les portes du NASCAR.

« J’ai fait la rencontre de Tommy Baldwin à New Smyrna, qui allait tout changer, renchérit-il. Ce propriétai­re en Coupe Monster Energy [Coupe Sprint à l’époque) se cherchait un ingénieur en 2016 et j’ai accepté le défi. Mais l’aventure n’a pas duré puisque Baldwin a fermé ses ateliers.

« Mais comme il était associé à Childress, il m’a recommandé à Richard. J’en suis à ma deuxième saison avec cette prestigieu­se écurie. »

VOTE DE CONFIANCE

Pourtant, en 2017, rien ne fonctionna­it à son goût chez Childress. À la fin de l’année, le patron a congédié tous les employés qui étaient affectés à la préparatio­n de la voiture no 3 sauf… lui.

« Ç’a été un vote de confiance à mon endroit, a dit Cliche et j’en suis très reconnaiss­ant. Je vous avoue que j’ai eu des passages à vide qui m’ont incité à tout remettre en question, à même retourner au Québec.

« Mais aujourd’hui, c’est le bonheur total, affirme-t-il. On m’écoute et le lien avec tous les membres de l’équipe est cordial. Je me sens intégré à cette écurie. C’est le jour et la nuit avec l’année dernière.

« Moi, je me suis battu toute ma vie, dit-il. Dès le début de mon existence et encore aujourd’hui. Ce travail est valorisant, mais très exigeant avec 33 courses au calendrier et le travail intense à l’usine.nous sommes tellement plus productifs avec des gens de confiance et c’est le cas cette année. »

« Ma plus belle récompense, ça serait de voir Austin Dillon remporter la coupe de la Série Xfinity samedi à Daytona », conclut-il.

 ?? PHOTO LOUIS BUTCHER ?? Étienne Cliche (à gauche) et Nick Harrison sont les architecte­s des performanc­es de la voiture pilotée par Austin Dillon en fin de semaine à Daytona en Série Xfinity.
PHOTO LOUIS BUTCHER Étienne Cliche (à gauche) et Nick Harrison sont les architecte­s des performanc­es de la voiture pilotée par Austin Dillon en fin de semaine à Daytona en Série Xfinity.

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