Le Journal de Quebec

Le tonnerre résonne jusque là

- RICHARD LATENDRESS­E richard.latendress­e@quebecorme­dia.com

SÉOUL | Je passe la semaine ici, à voir de près ce que je raconte à distance depuis plusieurs semaines : la Corée du Nord qui gronde, en multiplian­t les tests nucléaires et les tirs de missile; les Japonais et les Sud-coréens qui sont directemen­t dans la mire; Donald Trump qui menace de tout faire sauter. Ce qu’on m’en dit ? Bof !

Ce n’est pas tant de l’indifféren­ce qu’une bonne vieille habitude, bien ancrée, celle d’entendre le régime au nord pousser sa propagande paranoïaqu­e et apocalypti­que. Soixante ans qu’ils se font dire qu’on est au bord de la guerre, que si elle se produit le sud sera rasé, que tout sera tourné en cendres et suie.

« Sérieuseme­nt, la guerre ne nous inquiète pas. », m’a répondu Kaejong Kim, 40 ans, que j’ai apostrophé devant le grand centre commercial Hyundai sur la rive sud de la rivière Han, qui coupe Séoul en deux. « Kim Jong-un tient ce discours depuis un bon bout de temps. Pour ce qui est de l’imprévisib­ilité, les gens ici craignent plus Donald Trump. »

LA STRATÉGIE DU FOU BRAQUE

Le très respecté site web d’informatio­n AXIOS raconte un moment révélateur et inquiétant survenu récemment dans le Bureau ovale. La Maison-blanche, interrogée sur l’histoire, n’a rien démenti.

Trump avait réuni un groupe de conseiller­s autour de lui, dont son négociateu­r-en-chef en matière de commerce, Robert Lighthizer. La conversati­on portait sur le renouvelle­ment ou non de l’accord de libre-échange entre les États-unis et la Corée du Sud. À un moment, le président a lancé : « Vous avez 30 jours et si vous n’obtenez pas de concession­s, je me retire de l’entente. »

Robert Lighthizer lui a répondu : « Parfait, je dis aux Sud-coréens qu’ils ont 30 jours. » Et Trump d’aussitôt rétorquer : « Non, non, ce n’est pas la façon de négocier. Vous leur dites, “Ce gars est tellement fou qu’il pourrait mettre fin à l’accord à n’importe quel moment”. Les 30 jours, c’est pour vous, mais vous leur dites “Sans concession­s, ce gars est assez fou pour mettre fin à tout ça !” » Ici, Donald Trump n’a pas a essayé de faire croire qu’il est fou. Partout, on me répète qu’on en est déjà persuadé. C’est, par exemple, ce que me disait Jae-bin Park, 39 ans, qui s’était pointé au grand marché de poissons Noryangjin avec sa soeur, son beau-frère et leur bébé. « La guerre, je n’y pense pas. Kim Jong-un et Donald Trump, nous nous disons qu’ils sont tous les deux fous. On n’y peut rien. »

QUI EST LE PLUS FOU DES DEUX

On se pose beaucoup de questions à Washington sur le jeune leader nord-coréen. On le décrit constammen­t comme mégalomane, ambitieux, dangereux. Sauf que les experts reconnaiss­ent de plus en plus que Kim Jong-un met de l’avant une stratégie relativeme­nt claire : il veut la survie de son régime et cette survie passe par le respect qu’inspire un arsenal nucléaire.

Ici, ce que je lis, vois et entends, c’est qu’on ne la comprend toujours pas, la stratégie de Donald Trump. Peut-être que c’est un grand coup de bluff, qu’il laisse entendre qu’il est fou, mais qu’en fait, un jour il va s’asseoir et tout va se régler. Ou peut-être que non, qu’il va vraiment péter un plomb et qu’il va vouloir que l’autre arrête de le niaiser. Fou ou juste pas assez ? On se le demande sérieuseme­nt ici.

Ici, Donald Trump n’a pas a essayé de faire croire qu’il est fou. Partout, on me répète qu’on en est déjà persuadé.

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PHOTO AFP Les Sud-coréens ont du mal à comprendre la stratégie de Donald Trump vis-à-vis de Pyongyang.
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