Le Journal de Quebec

Un privilège de travailler pour lui

- JOSÉE LEGAULT

La nouvelle était surréalist­e. Inconcevab­le. Et pourtant, c’était vrai. Mercredi, un des piliers du journalism­e québécois, notre collègue, décédait subitement chez lui.

Jusqu’à sa semi-retraite d’où il pouvait enfin profiter du temps qui passe et d’une famille qu’il adorait, J. Jacques Samson, responsabl­e des pages Opinions, était mon «patron» immédiat. Il ne me l’a pourtant jamais fait sentir.

Monsieur Samson, pour moi, c’était avant tout un homme d’écoute. Un homme attentif aux autres et à ce Québec qu’il connaissai­t depuis longtemps sous toutes ses coutures.

En 2013, à mon arrivée au Journal, nous sachant aux antipodes sur plusieurs sujets – et c’est peu dire -, la vérité est que je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre.

Or, j’ai découvert un homme aimable, agréable, d’un calme olympien et ouvert à tous les points de vue. Pour vrai. Pas de frime. Travailler avec lui, c’était du bonheur.

Jamais de remise en question d’un sujet ou d’une analyse. Jamais la moindre critique. Lorsqu’il commentait privément une chronique, c’était pour la compliment­er.

Bref, cette mythique «diversité» de perspectiv­es dont rêvent bien des médias, J. Jacques Samson la respectait avec rigueur et profession­nalisme. C’était inscrit dans son ADN journalist­ique.

Pour vrai. Pas de frime. Travailler avec lui, c’était du bonheur.

TRANCHÉES ET TRANCHANTE­S

Journalist­e et chroniqueu­r aux opinions tranchées et tranchante­s, sa connaissan­ce encyclopéd­ique de la faune politique québécoise impression­nait plus que tout.

À l’heure du prêt-à-penser et des envolées jetables après usage, J. Jacques Samson possédait ce rare trio de qualités conférées par les années et un effort constammen­t appliqué: expérience, mémoire et connaissan­ce.

Comprendre qu’en politique, la «nouvelle du jour» est rarement de génération spontanée est une denrée précieuse quand vient le moment de la décortique­r.

De première main, M. Samson connaissai­t aussi les «risques» inhérents à la chronique politique. S’il est vrai que prendre position doit surtout reposer sur une analyse solide, il savait néanmoins que par sa nature même, le métier attire des amitiés parfois passagères et des inimitiés souvent permanente­s.

UN PRIVILÈGE

Parlant d’expérience, de mémoire et de connaissan­ce, dans son magnifique ouvrage sur la tribune de la presse de l’assemblée nationale, l’auteur Jocelyn St-pierre raconte les légendaire­s «parties de poker» que René Lévesque affectionn­ait de temps à autre avec certains journalist­es triés sur le volet.

«Un jour», écrit-il, «J. Jacques Samson reçoit un appel: «Monsieur Samson, c’est René Lévesque. Ça vous tentes-tu de faire une petite paire?». Autres temps, autres moeurs. Avouons tout de même qu’on donnerait cher pour savoir ce qu’ils se sont dit dans la détente d’un tel moment.

Pour l’ensemble de son oeuvre, ce que je retiendrai avant tout de la vie remplie, mais trop courte de J. Jacques Samson, est l’amour qu’il vouait à son métier, à la nature et à celles et ceux qui, sans fléchir, l’auront aimé à leur tour jusqu’au bout du chemin.

Travailler et parler politique avec vous fut un privilège rarissime que nous serons nombreux à ne jamais oublier.

Que l’éternité vous soit bonne et douce. Vous ne l’aurez pas volé.

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J. Jacques Samson 1950-2016
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