Le Journal de Quebec

À la défense de l’humour

- MAXIM MARTIN

Il y a quelques mois à peine, nous étions tous Charlie Hebdo et, dans le temps de le dire, le débat sur la liberté d’expression des humoristes avec le procès en diffamatio­n du p’tit Jérémy contre Mike Ward est reparti.

Un humoriste peut-il rire d’un enfant handicapé? Toute une question…

Aussi bien dire les vraies choses, nous sommes tous en faveur de la liberté de dire tout ce que l’on pense… tant et aussi longtemps que ça fait notre affaire. Malheureus­ement, il ne peut y avoir de zone grise. On ne peut prôner la liberté d’expression en y ajoutant un «mais…».

Pendant que le débat divise le Québec en deux, de mon côté, je n’ai pas le choix d’avoir un parti pris. J’ai un parti pris pour le droit de dire tout ce que je pense, pour défendre le monde de l’humour dans lequel je baigne et, de fait, pour défendre le droit de Mike Ward de dire ce qu’il veut.

Moi-même, j’ai été le punch de certains gags de mes confrères. Certains m’ont fait rire, d’autres m’ont littéralem­ent fait chier, mais ça fait partie de la game. Selon moi, la réaction à un gag dépend de comment ça se passe dans ta vie. Quand ça va mal, tout t’affecte. Quand tu es dans une belle zone, ça devient plus

facile d’en rire.

HAINE DES RÉSEAUX SOCIAUX

Je ne peux qu’essayer d’imaginer ce que le jeune Jérémy vit en ce moment et je n’ai aucune difficulté à croire qu’il soit blessé par tout ça. Quelqu’un me faisait remarquer cette semaine qu’il aurait dû approcher Mike Ward pour faire des capsules avec lui et rire de tout ça, lui montrer qu’il est plus fort que les gags eux-mêmes.

C’est ce qu’on doit faire dans ce monde un peu hypocrite et trop politiquem­ent correct. Avec la puissance des réseaux sociaux et de l’éternelle remise en question de ce dont on peut rire ou pas, il va falloir réapprendr­e à rire de soi. Si on n’y parvient pas, les seuls gagnants seront les thérapeute­s chargés de guérir nos blessures psychologi­ques.

Le vrai problème, c’est qu’en général, les gens intelli

gents sont capables de

« Il faut défendre et protéger le droit de Mike ward de dire ce qu’il veut. »

faire la part des choses. Malheureus­ement, trop d’épais et d’innocents profitent de l’arme qu’est devenu l’internet.

On reçoit tous des conneries sur nos pages Facebook et pas besoin d’être connu pour en être victime. Il y a deux excellente­s solutions sur nos ordis qui sont « delete » et «bloquer». Ça règle bien des problèmes et, surtout, ça relègue les parasites là où ils méritent d’être, c’est-à-dire dans l’anonymat total.

HUMORISTES INQUIETS

On vit une époque dans laquelle, dès que tu fais un gag ciblé envers quelqu’un ou un groupe en particulie­r, on sort les pancartes de protestati­on très rapidement. Je vous confesse que toute la communauté de l’hu- mour au Québec est nerveuse de voir le résultat de ce procès. Si on continue d’aseptiser l’humour, croyez-moi que dans les prochaines années, vous allez vous déplacer pour voir des shows crissement beiges où personne ne va prendre le risque d’exprimer une opinion.

Est-ce que je suis toujours d’accord avec ce que Mike Ward dit? Non! Est-ce que j’aurais fait les gags qu’il a faits? Non! Est-ce que j’ai ri quand je l’ai entendu les faire? Oui, et même beaucoup!

Depuis Yvon Deschamps, l’humour dérange et fait jaser et c’est exactement son rôle dans notre société. Et comme tous mes confrères, je l’espère, je suis prêt à me battre pour que ça reste ainsi.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada