Le Journal de Quebec

Paul à québec : la mort en face

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

«Ne chantez pas la Mort, c’est un sujet morbide. Le mot seul jette un froid, aussitôt qu’il est dit. Les gens du show-business vous prédiront le bide. C’est un sujet tabou, pour poète maudit.»

J’ai pensé à cette chanson de Léo Ferré (paroles de JeanRoger Caussimon, magnifique­ment reprise par Renée Claude) quand je suis allée voir Paul à Québec.

En plein débat sur la mort dans la dignité et les soins palliatifs, ce film très touchant nous rappelle que la mort n’est pas belle à regarder. Mais que ça ne sert à rien de détourner le regard.

LA GRANDE FAUCHEUSE

Il fallait que les producteur­s et productric­es (dont Karine Vanasse) fassent preuve de courage et de déterminat­ion pour montrer au grand écran un homme (Gilbert Sicotte) qui se meurt, non, qui agonise. Surtout qu’on ne nous épargne pas la maigreur, le teint gris, les râles ou les malaises du personnage incarné par Gilbert Sicotte (qui fait d’ailleurs un mourant bien plus réaliste que Rémy Girard, trop «bien en chair» dans Les invasions barbares de Denys Arcand).

On vit dans un monde où personne ne veut entendre parler de la mort. Encore moins la voir. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, les gens mouraient chez eux, on voyait mémé ou pépé agoniser dans leur chambre, on «veillait» même les morts. Mais avec le temps, on a préféré cacher les malades, les vieux et les mourants. Que d’autres s’en occupent et appelez-nous quand ce sera terminé! Est-ce que les choses seraient en train de changer? C’est intéressan­t de voir qu’avec une émission comme Nouvelle adresse (où l’on voyait l’excellente Macha Grenon préparer son départ auprès de ses proches) et avec Paul à Québec, on tend à réapprivoi­ser le dernier départ, au petit et au grand écran.

Mais une chose me frappe. Autant dans Nouvelle adresse que dans Paul à Québec, les deux mourants sont superbemen­t entourés d’une famille tricotée serrée. Ils ont des amis, des enfants, des parents qui les bichonnent, les caressent, leur rendent visite.

À quand une série, ou un film, qui nous montrera aussi la réalité vécue par tant de gens qui meurent seuls, abandonnés de tous, crevant dans la plus grande des solitudes, oubliés dans le fond d’un CHSLD où personne ne venait plus leur rendre visite?

Ça, ce serait vraiment regarder la mort en pleine face.

JE SUIS MALADE !

Décidément, on ne nous épargne pas sur les écrans québécois ces jours-ci. Télé-québec présente depuis ce lundi, à 19 h 30, la série De garde 24/7. On y suit le vrai quotidien de vrais médecins de garde de l’hôpital Charles-lemoyne.

Moi qui déteste voir des aiguilles et du sang, j’ai été choyée: un patient perd des litres de sang dans une opération qui dure neuf heures, une femme se fait faire une hystérecto­mie et l’autre, une césarienne.

Cette série-vérité (qui a nécessité trois ans de travail et 400 heures de tournage) a le mérite de nous montrer la réalité de la maladie telle qu’elle se vit tous les jours dans les hôpitaux québécois. Il faut avoir le coeur bien accroché.

Et il faut saluer l’audace de Télé-québec qui nous montre des images difficiles un lundi à 19 h 30… pendant 12 semaines.

Avec le temps, on a préféré cacher les malades, les vieux et les mourants.

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