Le Journal de Quebec

Entre l’or et les ténèbres

- cclaude. villeneuve@quebecorme­dia.com L@ vclaude

Ils ne sont pas parfaits. Derrière l’image de toute-puissance appuyée sur un mode de vie spartiate, les athlètes d’élite ont également leur part d’ombre.

C’est ce qu’on comprend des révélation­s de Clara Hugues, ancienne championne de cyclisme et de patinage de vitesse.

Dans un livre à paraître, la seule olympienne canadienne à avoir été médaillée aux jeux d’été et d’hiver retrace son parcours.

Une enfance marquée par un père alcoolique et un début de carrière dirigée par un entraîneur tyrannique l’ont menée vers des épisodes de dépression et de consommati­on. Aveu la plupart du temps impardonna­ble de la part d’un athlète, elle admet avoir été contrôlée positive à l’éphédrine en 1994.

PÉCHÉ VÉNIEL

Christiane Ayotte, référence mondiale en matière de dopage, explique que c’est un bien petit péché. Cette substance se trouve dans plusieurs médicament­s en vente libre qui n’étaient pas toujours bien identifiés à l’époque. Cet événement unique n’entache aucune des médailles remportées par Hugues.

Pour certains, c’est suffisant pour la traiter de tricheuse. Qu’importe qu’elle ait réussi à se hisser dans la suprématie de deux discipline­s sportives distinctes. Qu’importe qu’elle ait une contributi­on positive à la collectivi­té, s’impliquant pour la conservati­on de la nature et dans la campagne Cause pour la cause de Bell.

Intitulée «Let’s talk» en anglais, cette initiative vise à faire tomber les tabous concernant la maladie mentale. La femme de fer de Winnipeg partage ici son expérience: même moi, je peux souffrir de dépression.

QUÊTE ABSURDE

Comme de raison, il semble qu’on ne soit pas prêt à entendre ce genre de témoignage­s. Une personnali­té publique interrompt ses activités pour suivre une thérapie? On s’en moque. Même dans notre société avancée, on punit comme une faiblesse ce qui est pourtant un geste de courage.

De nos athlètes, plus spécifique­ment, qu’attend-on? Une quête de performanc­e poussée à l’absurde, qui repousse les limites du corps au point de marcher comme un vieillard à 45 ans? Un quotidien unidimensi­onnel qui éloigne des choses de l’esprit et prépare mal à une jeune retraite? Une existence irréprocha­ble jusqu’à l’ennui qui ne mettra ja- mais un commandita­ire dans l’embarras?

Ce n’est pas ça la vie. Ce n’est pas ça le sport. Celui qu’on devrait tous avoir dans nos habitudes parce que c’est sain. Ce qu’on exige des athlètes ne l’est pas. Les exemples d’habitués des podiums qui craquent sont trop nombreux pour l’ignorer.

SIGNAUX D’ALARME

C’est après coup qu’on y pense. Quand une athlète sort un livre ou qu’une autre s’adonne à d’étranges conférence­s de presse en compagnie de son époux marchand d’art. C’est quand ils sont près du sommet qu’on devrait s’en préoccuper. Une Eugenie Bouchard, par exemple, qui a certaineme­nt de la maturité à prendre, mais qui doit le faire en répondant à des attentes de performanc­e déconnecté­es de la vie normale.

Bref, les ennuis sur le court de la petite fiancée de Westmount cachent peut-être des choses que nous ignorons. Nul ne saurait dire et peu de gens connaissen­t ce que c’est que de composer avec l’obligation de gagner tout en restant parfait.

Parce qu’il n’y a pas de dopage ni de médaille pour ceux qui doivent se sortir des ténèbres.

Ce n’est pas ça la vie. Ce n’est pas ça le sport. Celui qu’on devrait tous avoir dans nos habitudes parce que c’est sain. Ce qu’on exige des athlètes ne l’est pas

Newspapers in French

Newspapers from Canada