Le Journal de Quebec - Weekend
FAUT PAS TROP (S’)EN FAIRE !
En ces temps de pandémie, plusieurs se reconnaîtront dans cette Génération sandwich dont Hélène Koscielniak a décidé de faire un titre et un sujet de roman !
Le livre n’a rien à voir avec les temps difficiles que nous traversons, mais la dynamique présentée dans Génération
sandwich s’applique à toute situation où, comme maintenant, il s’agit d’appuyer les siens – parfois nombreux!
Le fait est que de nombreuses personnes, entre grosso modo 45 et 65 ans, tentent de concilier emploi, soin à donner à leurs parents et soutien à assurer à leurs enfants, voire leurs petits-enfants.
Hélène Koscielniak, qui a nombre d’ouvrages et de prix littéraires à son actif, ramène le tout à un personnage: Lianne Ménard, travailleuse, fille, épouse, soeur, mère, belle-mère et grand-mère bien occupée !
À 58 ans, celle-ci voit notamment aux besoins de son père, de plus en plus confus mais déterminé à ne pas quitter sa demeure, ses deux enfants aux couples défaillants, et sa petite-fille qui veut devenir garçon.
C’est beaucoup pour une seule femme, presque trop pour un même roman – mais l’auteure utilisera avec justesse ces éléments pour nourrir le cheminement de Lianne.
Il y a bien une intrigue de trop dans ce livre : une jeune femme adoptée en quête de son père biologique, et qui semble avoir un lien avec la famille Ménard. C’est un rebondissement secondaire qui ajoute peu à l’armature d’un livre consacré à la vie pressurisée d’une femme qui se croit obligée d’aider tout le monde.
Si le roman fait le tour des différents membres de la famille Ménard, il est le plus solide quand il fait voir en parallèle la manière dont Lianne conçoit ses responsabilités et celle dont son père Dominique reçoit l’aide qu’elle lui impose. L’incompréhension mutuelle et l’exaspération totale du pèresont parfaitement rendues!
Il sera intéressant de constater comment Lianne prendra conscience qu’elle en fait trop et comment, malgré tout, elle aura du mal à restreindre ses élans. Ses relations avec ses frères en sont affectées, tout comme celles avec son conjoint, pourtant d’une patience d’ange. L’auteure fait mouche en décrivant sans fard ces situations. SECOUSSE FAMILIALE
Autre développement bien mené: la secousse familiale que cause la décision de Lily, 16 ans, de devenir un garçon. Dorénavant il faudra l’appeler Liam.
Lianne aime trop son unique petit-enfant pour rejeter un tel choix et le respecte trop pour se contenter de dire « ça passera ». Mais de là à vraiment comprendre… Ses doutes sont clairement exposés et le dialogue franc qu’elle aura avec Liam amène d’intéressantes réflexions sur le sujet, loin des clichés ou de l’acceptation béate. C’est donc un roman qu’on lit non pour de grandes envolées littéraires ou pour son intrigue enlevante, mais bien comme une tranche de vie dans laquelle, vu nos populations vieillissantes, il est facile d’identifier des situations familières. Et le pas de recul qu’on y trouve fait du bien: le sandwich peut aussi être tenu moins serré!