Le Journal de Quebec - Weekend

LES TOURMENTS DE LA LITTÉRATUR­E

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Explorant le thème de fatalité autour de la vie mouvementé­e d’une poète dont la vie déraille, le talentueux David Goudreault offre un roman brillant à ses lecteurs,

Ta mort à moi. À travers une intrigue au rythme soutenu, où la rédemption n’existe pas, il rend hommage aux grands noms de la littératur­e, en particulie­r à ceux qui ont été les plus tourmentés. Se pourrait-il que le génie créatif soit assorti d’une forme de malédictio­n ?

Marie-Maude Pranesh-Lopez, future écrivaine de renom, voit le jour dans une famille où tout va de travers. Elle a un frère jumeau, Victor-Hugo, avec qui elle n’a rien en commun.

Petite fille brillante aux prises avec des troubles de l’attachemen­t, elle n’arrive pas à s’intégrer à la société.

Elle peste contre sa mère Dolorès, obsédée du français, dans son journal intime et aimerait mieux être conne comme Brandon ou cool comme une fille de sa classe.

Ces réflexions sur le vif sont reprises plus tard par un biographe qui va chercher à connaître le parcours de Marie-Maude, à recoller les morceaux du casse-tête, à comprendre ce qui a pu se passer dans sa vie. En quête de vérité, il offre le fruit de ses recherches à ses lecteurs.

David Goudreault, dans cet exercice littéraire virtuose, très original, s’en est vraiment donné à coeur joie. « Pour moi, ce qui était important, c’était surtout d’aller ailleurs que dans la zone de

La Bête. C’était trop facile de retourner dans cet univers… je voulais essayer autre chose au niveau de la forme, arriver avec une propositio­n originale pour la littératur­e québécoise. »

REGARD MAGNIFIÉ

Il a longtemps mijoté ce triple regard porté sur Marie-Maude. « On a l’oeil d’un biographe, qu’on découvre un peu tard, l’oeil de la poète sur elle-même et finalement, le lecteur – et c’est peutêtre le lien qu’on peut faire avec La

Bête – qui se fait ses propres théories sur la vérité, ce qu’elle est vraiment. »

Le biographe, ajoute-t-il, porte un regard magnifié sur la vie de l’auteure qui, elle, porte un regard dépressif, très dur, sur sa propre vie. « C’est le lecteur qui décide si la poète est exécrable ou attachante. »

Au fil du roman, David Goudreault ajoute des notes psychiatri­ques sur l’écrivaine laide et entêtée qui a fait des choix de vie douteux. « J’avais envie de mettre des fun

facts qui aident à la compréhens­ion, quand on est dans une histoire de santé mentale et de troubles de la personnali­té. J’avais en tête les pop

ups qu’on voit sur internet. »

GASTON MIRON

Tout le roman est parti d’une seule phrase d’une biographie de Gaston Miron, et de l’envie de faire une biographie fictive.

« J’en lis beaucoup et je trouve souvent que les romanciers ont une vie plus romanesque que leurs propres livres. Ce qui m’a saisi, c’est que Gaston Miron se plaint de ne pouvoir faire l’amour avec personne et termine en disant: “Je suis fatigué de ce visage dégueulass­e.” »

Cette phrase l’a obsédé. « Comment est-ce qu’on peut être un génie créatif, produire autant de beauté et en même temps se trouver aussi laid? C’était ce que je voulais explorer: comment mettre en scène un personnage qui m’aiderait à me rapprocher de cette compréhens­ion. Mais il y a plein de clins d’oeil, dans le livre, et les gens qui s’intéressen­t à la littératur­e les verront. J’ai même mis dans la bouche de Marie-Maude des phrases de Rimbaud. »

« MA FRANKENSTE­IN LITTÉRAIRE »

« Marie-Maude, c’est un peu ma Frankenste­in littéraire: j’ai pris tous les aspects de la vie des auteurs qui m’ont fasciné et je les ai mis dans ce personnage. J’ai pris les aspects les plus particulie­rs, les plus fascinants des auteurs pour les faire vivre dans un personnage, une poète québécoise issue de l’immigratio­n. » En librairie le 18 septembre.

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