Peu de jeux de société québécois chez Tigre Géant, Rossy et Hart
La chaîne ontarienne et les deux bannières québécoises sont courtisées sans succès par les créateurs d’ici
Walmart et Toys « R » Us profitent de la popularité des jeux de société québécois pour engranger les ventes. Mais ces produits locaux restent boudés par les détaillants locaux que sont Tigre Géant, Rossy et Hart.
C’est capoté ! C’est plus facile faire affaire avec Walmart qu’avec eux », s’étonne Claude Demers, pilier du jeu de société au Québec.
Avec son équipe, son « petit band de création pure », le patron de LudikQuébec compte 100 jeux à son actif en 20 ans, dont une gamme éducative produite avec Larousse surtout vendue en librairie.
Ludik préfère les indépendants et n’a jamais demandé à Tigre Géant, Hart ou Rossy de vendre ses produits. La question se pose tout de même.
« S’ils vendent Monopoly ou Risk, pourquoi ne vendentils pas des jeux d’ici ? » demande l’expert en «fun».
Les acheteurs n’auraient pas le mandat, disent les cinq éditeurs de jeux québécois interviewés par Le Journal, de représenter les entreprises d’ici. Ce serait vrai autant chez Tigre Géant que chez Rossy ou Hart.
« Faut avoir de la patience ! On ne parle pas le même langage », illustre un nouveau venu dans le paysage, Joël Legrand, qui a fondé Jeux Face4 avec sa conjointe et leurs deux enfants en 2019.
Le succès remporté par leurs jeux Sur le bord – 10 000 ventes – n’a pas suffi à convaincre Tigre Géant de leur ouvrir ses portes. Depuis trois ans, ils échangent par courriel avec le siège social d’Ottawa, sans succès.
« On ne se décourage pas. Chez Hart, c’est une boîte courriel, on n’a jamais eu de réponse », déplore l’entrepreneur de La Prairie, en Montérégie.
PASSE DE CASH À FAIRE
Les acheteurs parlent la langue d’affaires, dit le patriarche de Jeux Face4, alors que les créateurs sont dans la passion.
C’est exactement pourquoi, plaide un troisième éditeur de jeux, Tigre Géant, Hart et Rossy devraient vendre des jeux locaux à moins de 25 $.
« Ils en vendraient pleins ! C’est frustrant, car ils en ont zéro », lance Marc Fournier, des Éditions Gladius.
FORTE DEMANDE, DIT TOYS « R » US
Le présentoir de 4 pieds de haut rempli de jeux auquel il rêve, c’est avec Toys « R » Us qu’il a réussi à l’avoir. Depuis mars, les 16 magasins du géant du jouet au Québec font une place plus grande à ses produits.
« Les jeux sont en forte demande. C’est une belle opportunité pour nous d’offrir plus de jeux en français », a confié au Journal la numéro 1 de Toys « R » Us au Québec, Barbara Hall.
Pour la PME de Saint-Romuald, l’entente est la preuve que la demande est au rendez-vous. En mode expansion, Gladius vient d’ailleurs d’ajouter les casse-tête 3D Wrebbit, un autre acteur local, aux produits qu’elle représente.
« Si les autres pouvaient suivre », ose Marc Demers au sujet de Tigre Géant, de Hart et de Rossy, avant d’échapper que les femmes de la trempe de Barbara Hall ne se trouvent pas partout.
PAS D’INTÉRÊT
Toys « R » Us n’est pas la seule multinationale à faire de l’oeil aux jeux d’ici. Walmart est aussi connue pour son désir de séduire les consommateurs québécois.
Pour la première fois en 2024, deux jeux de David Capon, éditeur de nombreux succès chez FoxMind, sont sur les tablettes du numéro 1 mondial au Québec.
« Ils ont montré de l’intérêt, on va passer à six jeux en 2025 », s’étonne encore l’entrepreneur de Montréal. Son jeu Match Madness rejoint ceux de Ludik, Wrebbit et Gladius, qui sont déjà offerts chez Walmart.
L’appétit des multinationales contraste avec le manque d’intérêt pour nos jeux au sein de la chaîne ontarienne Tigre Géant ou des Québécoises Rossy et Hart.
APPELS SANS RÉPONSE…
Aucune des trois entreprises ne nous a rappelés cette semaine pour discuter de l’achat local.
Tigre Géant compte 70 magasins au Québec, 271 au total. Tous sont possédés par des franchisés.
Même modèle pour Hart et ses 97 magasins au Québec ou Rossy et ses 85 adresses au total.
À mi-chemin entre Walmart et Dollarama, ces magasins vendent des meubles, des vêtements, de la nourriture, etc.
Si ce ne sont pas tous les éditeurs québécois de jeu de société qui souhaitent y vendre leurs produits, ceux qui ne diraient pas non reçoivent le traitement du silence pour l’instant.
« S’IL Y A UNE PLACE POUR NOUS CHEZ LECLERC [EN FRANCE], POURQUOI IL N’Y EN AURAIT PAS ICI ? » – Jean Théberge, président de Wrebbit