Le Journal de Montreal

McGill doit expliquer ses investisse­ments dans des entreprise­s d’armement

- Yasmine Abdelfadel Chroniqueu­se politique

Que l’on tolère ou pas le campement de McGill, que l’on soit favorable ou pas à la cause des manifestan­ts, une question se pose : est-ce qu’une université, peu importe laquelle, peut, éthiquemen­t et moralement, investir dans des entreprise­s oeuvrant dans le secteur de l’armement et de la défense militaire ?

BEAUCOUP D’ARGENT

Selon les chiffres de l’université, en date du 31 mars, McGill a investi plus d’un demi-million de dollars dans Lockheed Martin, plus de 2 M$ auprès de Safran, près de 2 M$ auprès de Dassault Systems, 1,1 M$ dans Textron, 1,2 M$ dans Thales. Ce sont toutes des multinatio­nales oeuvrant dans la défense et l’armement.

Ces chiffres sont tout de même frappants. Qu’un établissem­ent d’enseigneme­nt supérieur, financé, en partie par l’argent des contribuab­les, puisse avoir des critères d’investisse­ment aussi élastiques sur le plan moral est douteux, voire inacceptab­le.

La réflexion semble s’être tout de même posée quant aux portefeuil­les à exclure puisqu’on ne trouve aucun grand cigarettie­r parmi la liste. Pourquoi exclure le tabac, mais pas l’armement et la défense ?

LE RENDEMENT ET L’ÉTHIQUE

Les université­s n’ont-elles pas un devoir d’exemplarit­é, celui d’avoir un minimum de standards éthiques, ou est-ce que le rendement est la seule obsession, le seul objectif à tout prix ?

La Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill regorge de spécialist­es et d’experts de l’investisse­ment responsabl­e. On se serait évidemment attendu à ce qu’ils fassent appel à ces experts pour les conseiller, les guider.

Il ne s’agit pas de boycotter ces entreprise­s. Elles sont importante­s sur le plan stratégiqu­e et elles sont un moteur d’innovation, notamment dans le monde de l’aéronautiq­ue et de l’aérospatia­l. Mais est-ce le rôle d’un établissem­ent d’enseigneme­nt que d’encourager ces entreprise­s, dont la mission ne peut être plus éloignée que celle des université­s ?

La question demeure entière, et le silence de McGill depuis l’installati­on des campeurs traduit peut-être ce malaise devant une situation qu’ils ne peuvent expliquer, justifier et certaineme­nt pas défendre.

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