Il y a du Messmer chez Christian Dubé...
Personne ne doute de sa bonne foi. N’empêche qu’il y a du Messmer chez Christian Dubé. Souvent, le ministre de la Santé semble hypnotiser les Québécois en leur jurant que, bientôt, le réseau public ira mieux...
Idem pour l’annonce de ses deux « top guns » à la tête de sa nouvelle agence, Santé Québec. Issue du privé, Geneviève Biron en est la patronne. Ex-PDG du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal et PDG du CHUM, Frédéric Abergel est son vice-président directeur aux opérations.
Pour « shaker » les colonnes du temple, il les présente stratégiquement comme son duo de choc privé-public. Un genre de yin et yang de la Santé. Un sain scepticisme est néanmoins de mise.
Car derrière l’image, il y a le réel. Un réseau de 330 000 employés, et 9 CIUSSS et 13 CISSS chargés de gérer d’immenses territoires et une multitude d’établissements disparates de soins et services sociaux.
Bref, un réseau public toujours aussi éléphantesque, ultracentralisé par les réformes Barrette, hospitalocentriste à l’os, hyperbureaucratisé et en pénurie de main-d’oeuvre.
Ce réseau public, comme par hasard, est d’ailleurs de plus en plus vampirisé par un réseau privé parallèle qui, jusqu’ici, n’a rien fait pour désengorger le public. La définition parfaite d’un cercle vicieux.
Il reste donc à voir si ce duo privé-public fera partie de la solution ou s’il accentuera ce même problème dont chacun a fait partie.
PRODUIT DU PRIVÉ
Nonobstant ses qualités reconnues, Geneviève Biron, patronne jusqu’en 2021 de Biron Groupe Santé (BGS), est un pur produit de l’entrepreneuriat privé en santé. Fondé en 1952 par son père et dirigé maintenant par sa soeur, BGS ratisse large.
Avec ses 120 points de service et 800 employés, il comprend des laboratoires d’analyse de prélèvements. Des soins pour l’apnée du sommeil, la santé sexuelle et les allergies. Une gamme complète de tests d’imagerie médicale. Vaccination. Tests génétiques. Soins infirmiers. Etc.
Pour les gens ayant les moyens ou des assurances privées pour se les offrir parce que ces services coûtent cher, l’« expérience client » y est sûrement impeccable.
Parce qu’au privé payant, la vraie finalité de la qualité et rapidité des services est la profitabilité financière des opérations. C’est un business. Si le service est pourri, le client ne reviendra pas.
Or, la finalité du réseau public n’est pas de faire de l’argent. C’est d’investir celui des Québécois pour leur offrir des services non pas selon leurs revenus personnels, mais selon leurs besoins.
DEUX CULTURES AUX ANTIPODES
À coups de compressions et de réformes débilitantes, le réseau public a toutefois fini par échouer. Il n’en reste pas moins qu’en santé, le privé et le public sont deux « cultures » aux antipodes l’une de l’autre. Mme Biron saura-t-elle les réconcilier ? Bien malins les devins.
Issu des hautes sphères d’un réseau
public détraqué, Frédéric Abergel saura-t-il s’extirper de ses réflexes de technocrate au service de la machine ? Là aussi, c’est à voir.
Une seule chose est sûre. Avec l’approbation de nos gouvernements, l’ascension d’un marché privé lucratif de soins et services sociaux, payés par les fonds publics ou de la poche de « clients » mieux nantis, se poursuivra.
La promesse d’un réseau public universel, accessible et gratuit, est d’ailleurs rompue depuis belle lurette. Le saut de Mme Biron du privé au public montre à quel point, au Québec, ils sont même devenus des vases communicants.
On dit qu’il faut laisser la chance aux coureurs. Soit. Personne n’espère qu’ils échouent. De toute manière, les Québécois n’ont pas le choix.
Habitués à attendre aux urgences et partout dans le réseau, ils devront aussi attendre pour voir si les résultats seront ou non au rendez-vous.