Mulroney, la douce revanche
OTTAWA | Brian Mulroney ne s’en faisait pas trop avec les sondages. Il leur préférait les manchettes favorables.
C’est sa fille, Caroline, qui l’a rappelé dans son éloge funèbre à son père durant ses funérailles d’État. Depuis deux semaines, il aurait été servi, s’il avait été là pour les voir.
On assiste à un concert d’éloges. Ses funérailles en ont été l’incarnation. Lui ont rendu hommage des gens de toutes les couleurs politiques, de toutes les tendances, fédéralistes, souverainistes, de simples citoyens ou des milliardaires qu’il a conseillés, lui, le p’tit gars de Baie-Comeau, devenu presque plus grand que nature.
Tous ces gens n’ont aujourd’hui que des bons mots pour lui, pour ce qu’il a accompli, sans que ce soit forcé.
Ce n’est pas juste parce qu’il est décédé qu’on dit de bonnes choses de Brian Mulroney. C’est parce qu’on ne peut que s’incliner devant son vaste héritage politique, que le temps n’a fait que magnifier.
On pourrait croire, en voyant ces fameuses manchettes élogieuses des dernières semaines, que Brian Mulroney n’a jamais épuisé son capital de sympathie, alors que c’est complètement l’inverse.
RETOURNEMENT
Arrivé comme une étoile dans le ciel politique canadien en 1984 grâce à une victoire historique, il est parti neuf ans plus tard dans la disgrâce.
On avait marre de son goût pour l’argent, surtout dans le Canada anglais. Fallait-il être aussi un peu naïf pour croire qu’on le laisserait faire entrer le Québec dans la Constitution par la grande porte ?
Brian Mulroney a brassé la cage, il a remué les Canadiens qui sont sortis épuisés de ses neuf années au pouvoir.
Il voulait redéfinir la relation qu’ont les Canadiens avec les États-Unis et le Québec. Ça fait beaucoup d’un coup. L’adoption de la TPS, une mesure mal comprise à l’époque, a couronné le tout.
Avec le recul, les Canadiens se sont rangés de son côté. Aujourd’hui, ses efforts pour réintégrer le Québec dans la Constitution, la TPS, le libre-échange sont perçus comme étant des éléments positifs de son bilan.
S’ACCROCHER
En panne dans les sondages, Justin Trudeau s’est approprié depuis le décès de Brian Mulroney, peut-être pour se consoler, cette idée que la popularité n’est pas une fin en soi.
Qu’être impopulaire peut parfois être le signe qu’on est sur la bonne voie. Ou du moins que nos motivations sont nobles. Dignes espérances.
Justin Trudeau et d’autres ont aussi noté que Brian Mulroney ne traitait pas ses adversaires comme des ennemis ou des traîtres à la nation.
Or aujourd’hui, les bleus et les rouges se regardent en chiens de faïence. Pour Pierre Poilievre, Justin Trudeau est responsable de tous les maux. Pire, il ferait exprès pour amener le Canada à sa ruine.
Justin Trudeau, lui, s’accroche à sa carrière politique, parce qu’il se croit le seul à pouvoir empêcher le pays de reculer 50 ans en arrière.
Il souhaite à tout prix éviter que son héritage politique — la lutte aux changements climatiques et aux inégalités sociales, l’inclusion, la réconciliation — soit effacé.
Brian Mulroney, lui, ne s’est pas accroché. Il a préféré démissionner.
Son héritage politique n’en est pas moins intact.