Le Journal de Montreal

Les vedettes et la justice

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La semaine dernière, l’affaire Corneliu. Cette semaine, l’affaire Éric Lapointe. Deux cas où des personnali­tés publiques ont dû faire face à la justice, ce qui a mené à des discussion­s publiques sur le système judiciaire. Et deux cas où l’on se demande si la justice est la même pour une vedette et pour un « gars ordinaire ».

La semaine dernière, le chanteur Corneliu Munteanu a plaidé coupable à des accusation­s d’avoir drogué à son insu Meggie Lagacé, et d’avoir fait la même chose avec un homme trois ans plus tard. Il a été condamné à 100 jours de prison.

J’ai été interpellé­e, sur le compte Instagram de Meggie Lagacé, par le passage suivant : « J’avais cette constante envie de le dénoncer, mais le processus me semblait carrément insurmonta­ble. […] J’ai choisi de faire confiance au système judiciaire et j’ai été entourée de personnes dévouées et pleines de compassion tout au long des procédures. On m’a dit les mots “je te crois”, ce qui m’a fait beaucoup de bien. Est-ce que cela a été éprouvant ? Absolument. Est-ce que j’ai ressenti par moments de la frustratio­n ? Absolument. Est-ce que j’ai été bien entourée à chaque étape ? Absolument aussi. Tout le processus judiciaire a été, en quelque sorte, une forme de thérapie pour moi ».

Elle a ensuite remercié les enquêteurs, les procureurs et le CAVAC.

On a ici une victime qui décide d’aller voir la police plutôt que de dénoncer sur les médias sociaux. Et elle a obtenu justice. Tous les policiers ne sont pas des salauds comme le veulent les partisans du slogan « ACAB (All cops are bastards) ».

CULTURE DE L’ANNULATION

Mais cette semaine, on apprend qu’à cause de l’indignatio­n de certains organismes, un concert gratuit d’Éric Lapointe a été retiré de la programmat­ion du VictoFest. Par contre, Lapointe va quand même être présent à une des soirées payantes du Festival.

J’ai lu la déclaratio­n de la directrice générale de La Volte-Face, un organisme qui vient en aide aux victimes de violence conjugale, Julie Croteau.

« Quel message envoyons-nous aux victimes lorsque l’on donne une vitrine aux auteurs de violence ? »

J’aimerais inverser la question de madame Croteau : « Quel message envoyons-nous aux coupables lorsque l’on refuse de donner une réhabilita­tion aux auteurs de violence ? »

Comme vous le savez, dans l’entrevue qu’il m’a accordée sur les ondes de TVA, Éric Lapointe a reconnu les faits (voies de faits simples sur une femme en 2019), et déclaré : « C’est pas l’alcool qui a commis le geste, c’est moi », « je regrettera­i jamais assez ».

Il a plaidé coupable et obtenu une absolution conditionn­elle. Il n’a pas de dossier criminel.

Y a-t-il une justice différente pour les personnali­tés publiques ?

Si Éric Lapointe était ouvrier agricole ou préposé aux bénéficiai­res, la société lui interdirai­t-elle de travailler ? Des organismes braqueraie­nt-ils leurs projecteur­s sur lui, même après qu’il aurait plaidé coupable et fait face à la justice ?

Je ne défends pas Éric Lapointe, je défends un principe : un État de droit.

UNE DEUXIÈME SENTENCE

On a beaucoup parlé au cours des dernières années de « rebâtir la confiance » en notre système de justice.

Mais si la société civile continue de punir indéfinime­nt les individus après qu’ils ont fait face à la justice, en niant leur droit à une réhabilita­tion, on devrait plutôt parler de « rebâtir la confiance » en notre société.

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Éric Lapointe

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