Une cave à vin plus grande que nature
À terme, l’endroit pourra accueillir 325 000 bouteilles, ce qui en fera le plus grand cellier au Canada
À l’intérieur de Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine. Un collectionneur de vin en quête d’un cellier assez grand pour ses quelque 10 000 bouteilles a compris qu’il ne serait jamais aussi bien servi que par lui-même et a fini par bâtir une gigantesque « cave à vin » que j’ai pu visiter.
Les 256 espaces de cellier en pin odoriférant, surplombés d’unités de réfrigération et d’une armée de gicleurs, s’étendent sur plus de 20 000 pieds carrés et forment un dédale. L’endroit peut accueillir plus d’un quart de million de bouteilles. Je m’y suis perdu.
« On a augmenté l’intensité de l’éclairage parce que tout le monde cherchait son chemin ! » confirme en riant Jean-Frédéric Laberge, l’homme d’affaires et collectionneur de vin derrière le projet.
Situés dans les sous-sols de ce qui fut jadis l’édifice de TQS et CFCF12, devant la gare et la station de métro Parc, les Celliers Ogilvy, ouverts en décembre dernier, hébergent déjà environ 80 000 bouteilles.
« L’automne prochain, une aile supplémentaire de 70 000 bouteilles s’ajoutera pour une capacité totale de 325 000, ce qui en fera le plus grand cellier au Canada. »
CELLIERS MANQUANTS
« Il y a cinq ou six ans, la SAQ a fermé son espace de cellier de location qui était sous l’ancienne prison au Pied-du-Courant, et beaucoup de collectionneurs se sont retrouvés mal pris... dont moi ! » raconte le quinquagénaire qui a eu la piqûre du vin en discutant avec des sommeliers réputés au restaurant de son père à Québec.
« Ça s’appelait le Paris-Brest et nous avions une cave de plus de 300 sortes de vins français. »
La gastronomie et le bon vin, M. Laberge est donc « tombé dedans étant petit », pour reprendre la formule d’Obélix.
« Mes parents étaient des épicuriens et nous voyagions souvent seulement afin d’aller manger dans des restaurants en Europe. »
À 16 ans, M. Laberge a commencé à acheter de bonnes bouteilles pour les garder.
« En 1998, j’ai acheté à la SAQ des caisses de Domaine Leroy à environ 500 $ la bouteille dont personne ne voulait, mais ces bouteilles valent aujourd’hui de 75 000 $ à 150 000 $. »
Pas question de juteux profit en revendant ces bouteilles de vin de Bourgogne puisque, vous l’aurez deviné, elles ont déjà été bues !
« Je n’achète pas de vin pour spéculer, je ne le revends pas ! J’organise des soupers, je le déguste avec des amis, eux aussi passionnés de vin. »
« Le but, c’est d’être le premier acheteur, pour ne pas payer une fortune plus tard. »
Compte-t-il donc boire ses 10 000 bouteilles ?
« Je ne passerai jamais à travers, je vais mourir en laissant du vin, beaucoup de vin, c’est sûr ! »
SÉCURITÉ
Un gardien de sécurité, des caméras, des codes et des clés pour entrer et pour sortir du cellier sont censés dissuader d’éventuels voleurs.
Il faut calculer des frais de pension de 3,50 $ par bouteille par année, pour un minimum de 384 bouteilles, ce qui correspond au plus petit espace cellier offert.
« Pour les gens qui ont de 1000 à 2000 bouteilles, l’option de se faire construire un cellier privé à la maison existe, mais ça coûte cher... et pourquoi garder chez soi des bouteilles auxquelles on ne touchera pas pendant des années ? »
La bouteille la plus chère de sa collection personnelle ?
« C’est une bouteille de Bourgogne du domaine Leroy qui vaut environ 100 000 $. »