Justin Trudeau joue le jeu de la droite américaine
Pour la droite trumpienne, qui faisait déjà ses choux gras des « convois de la liberté » canadiens, la Loi des mesures d’urgence est un cadeau du ciel.
Normalement, l’actualité canadienne passe inaperçue aux États-Unis, mais le mouvement de protestation des camionneurs a propulsé le Canada à l’avant-scène de la politique américaine, à l’avantage des politiciens et des médias de la droite.
Il est clair qu’après deux ans de pandémie et de mesures sanitaires restrictives, le message des soi-disant « convois de la liberté » touche une corde sensible universelle.
EXPLOITER LES FRUSTRATIONS
En important les symboles et la rhétorique trumpistes, les manifestants canadiens ont donné carte blanche aux porte-parole de la droite trumpienne pour récupérer le mouvement à leurs propres fins, ce que ces derniers se sont empressés de faire.
À court terme, aux États-Unis comme chez nous, le fait que ces manifestations très médiatisées coïncident avec l’amorce du retrait des mesures sanitaires donne à la droite l’occasion à la fois de s’alimenter à la frustration de ceux qui en ont marre des restrictions sanitaires (et tout le monde en a marre) et de s’approprier le crédit pour leur retrait.
La frustration et l’impatience de la population devant des mesures sanitaires dont on arrive mal à saisir la logique sont un terreau fertile pour alimenter la rhétorique des populistes de droite.
LA TYRANNIE DES ÉLITES
Cette rhétorique populiste a été bien résumée par un allié inconditionnel de l’ex-président Trump, le sénateur républicain de Louisiane John Kennedy, qui affirme qu’on assiste au Canada à « la tyrannie de l’élite managériale sur la classe ouvrière ».
C’est un peu ironique de la part d’un diplômé de prestigieuses institutions privées, dont la très élitiste université d’Oxford, mais le parti qui s’est rangé derrière Trump et son cabinet de milliardaires n’en est pas à sa première contradiction.
En plus de maîtriser à fond l’accent populaire du Sud profond, le sénateur Kennedy sait bien qu’aux yeux de ses partisans, Justin Trudeau incarne parfaitement la caricature de l’élite privilégiée condescendante qui constitue la cible idéale de la droite populiste.
À plus long terme, cette image apporte de l’eau au moulin d’un discours de la droite américaine qui associe les mesures sanitaires (dont tout le monde a marre, au risque de me répéter) à la dictature d’une élite scientifico-bureaucratique qui méprise les gens ordinaires.
Justin Trudeau incarne parfaitement la caricature de l’élite privilégiée condescendante
TROP, TROP TARD
En invoquant une Loi des mesures d’urgence aussi tardive que disproportionnée, le premier ministre Trudeau donne des munitions rhétoriques inespérées à la droite populiste américaine.
S’ils avaient appliqué plus tôt les lois existantes avec un minimum de fermeté, les gouvernements touchés auraient pu éviter que ces manifestations prennent une telle ampleur, ce qui leur a permis à la fois de devenir une carte maîtresse dans le jeu des populistes de droite américains et de donner un sérieux coup de pouce à leurs émules au Canada.
On n’a pas fini d’entendre parler, aux États-Unis comme chez nous, des répercussions de la gestion lamentable de cette crise.