Le Journal de Montreal

Infirmière­s quittent le bateau

Plusieurs de ces travailleu­ses tant recherchée­s ont changé d’emploi pour retrouver une qualité de vie

- DOMINIQUE SCALI Le Journal de Montréal

Elles étaient infirmière­s, professeur­es, éducatrice­s. Elles travaillen­t maintenant dans une banque, une épicerie ou dans l’immobilier. De nombreuses travailleu­ses ont quitté le bateau du réseau public, qui craque de partout avec la pandémie.

« Je me lève le matin et je suis contente. Ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé », confie Josée Therrien, 43 ans.

Depuis un peu plus d’un mois, elle anime des ateliers dans un organisme communauta­ire de soutien aux familles. Et même si elle doit composer avec le stress d’apprendre un nouveau métier, elle a « 100 livres de moins sur les épaules. »

Le 13 septembre, elle a remis sa démission au CHSLD de Joliette où elle a travaillé comme infirmière auxiliaire pendant 25 ans.

Il fut un temps où elle était celle qui remontait le moral de ses collègues, qui donnait toujours son 110 %, relate-t-elle.

Mais depuis plusieurs mois, elle ne se reconnaiss­ait plus. « Je finissais presque tous les jours en pleurant […] C’était en train de me tuer intérieure­ment. »

Avec la pandémie et le manque de personnel, les tâches ont explosé. « On n’arrivait même pas à faire le strict minimum pour les résidents […] Je n’étais plus capable de voir ça. »

EXACERBÉS

Le Journal a parlé à une quinzaine de travailleu­rs, presque toutes des femmes, qui ont quitté, dans les deux dernières années, un boulot qui consiste à prendre soin ou à éduquer.

L’une d’entre elles s’est même tournée vers le travail du sexe après avoir été éducatrice en centre jeunesse.

« La pandémie est venue exacerber les difficulté­s vécues [...] pour les femmes en particulie­r », résume Diane-Gabrielle Tremblay, professeur­e en ressources humaines à la TÉLUQ.

Au boulot, les problèmes se sont intensifié­s. Pendant ce temps, c’est souvent sur les femmes que retombait la responsabi­lité de s’occuper des enfants lorsque l’école ou la garderie fermait, explique Mme Tremblay.

MIEUX À L’ÉPICERIE

Josée Therrien est passée d’un salaire de 30 $ à 20 $ l’heure. Elle n’a plus de fonds de pension ni d’assurances. « Mais le salaire, ça n’achète pas la qualité de vie ni la santé. »

Sandra Rizzo, 41 ans, a aussi baissé de salaire. Elle était éducatrice en garderie. Elle travaille dans le prêt-à-manger d’une épicerie de Blainville depuis début septembre.

En calculant les dépenses en essence et les possibilit­és de promotion, elle s’estime gagnante. « Pour l’instant, j’adore ça. »

Avec le manque de soutien pour s’occuper des enfants atypiques, les rapports à remplir, le manque de reconnaiss­ance, l’idée de retourner en garderie n’est plus une option, explique-t-elle. « J’avais accumulé tellement d’amertume… »

Pour plusieurs, la décision a été dure et la culpabilit­é reste. Pendant des mois, Josée Therrien a ruminé avant de faire le grand saut. « Le plus difficile, c’était de me dire : le petit peu que tu pouvais faire, c’était déjà ça. »

 ?? PHOTO MARTIN CHEVALIER ?? Début septembre, Josée Therrien était encore infirmière auxiliaire en CHSLD, le métier qu’elle pratiquait depuis 25 ans. Elle est maintenant animatrice à la Maison de la famille, un organisme communauta­ire, à Berthiervi­lle.
PHOTO MARTIN CHEVALIER Début septembre, Josée Therrien était encore infirmière auxiliaire en CHSLD, le métier qu’elle pratiquait depuis 25 ans. Elle est maintenant animatrice à la Maison de la famille, un organisme communauta­ire, à Berthiervi­lle.

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