Infirmières quittent le bateau
Plusieurs de ces travailleuses tant recherchées ont changé d’emploi pour retrouver une qualité de vie
Elles étaient infirmières, professeures, éducatrices. Elles travaillent maintenant dans une banque, une épicerie ou dans l’immobilier. De nombreuses travailleuses ont quitté le bateau du réseau public, qui craque de partout avec la pandémie.
« Je me lève le matin et je suis contente. Ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé », confie Josée Therrien, 43 ans.
Depuis un peu plus d’un mois, elle anime des ateliers dans un organisme communautaire de soutien aux familles. Et même si elle doit composer avec le stress d’apprendre un nouveau métier, elle a « 100 livres de moins sur les épaules. »
Le 13 septembre, elle a remis sa démission au CHSLD de Joliette où elle a travaillé comme infirmière auxiliaire pendant 25 ans.
Il fut un temps où elle était celle qui remontait le moral de ses collègues, qui donnait toujours son 110 %, relate-t-elle.
Mais depuis plusieurs mois, elle ne se reconnaissait plus. « Je finissais presque tous les jours en pleurant […] C’était en train de me tuer intérieurement. »
Avec la pandémie et le manque de personnel, les tâches ont explosé. « On n’arrivait même pas à faire le strict minimum pour les résidents […] Je n’étais plus capable de voir ça. »
EXACERBÉS
Le Journal a parlé à une quinzaine de travailleurs, presque toutes des femmes, qui ont quitté, dans les deux dernières années, un boulot qui consiste à prendre soin ou à éduquer.
L’une d’entre elles s’est même tournée vers le travail du sexe après avoir été éducatrice en centre jeunesse.
« La pandémie est venue exacerber les difficultés vécues [...] pour les femmes en particulier », résume Diane-Gabrielle Tremblay, professeure en ressources humaines à la TÉLUQ.
Au boulot, les problèmes se sont intensifiés. Pendant ce temps, c’est souvent sur les femmes que retombait la responsabilité de s’occuper des enfants lorsque l’école ou la garderie fermait, explique Mme Tremblay.
MIEUX À L’ÉPICERIE
Josée Therrien est passée d’un salaire de 30 $ à 20 $ l’heure. Elle n’a plus de fonds de pension ni d’assurances. « Mais le salaire, ça n’achète pas la qualité de vie ni la santé. »
Sandra Rizzo, 41 ans, a aussi baissé de salaire. Elle était éducatrice en garderie. Elle travaille dans le prêt-à-manger d’une épicerie de Blainville depuis début septembre.
En calculant les dépenses en essence et les possibilités de promotion, elle s’estime gagnante. « Pour l’instant, j’adore ça. »
Avec le manque de soutien pour s’occuper des enfants atypiques, les rapports à remplir, le manque de reconnaissance, l’idée de retourner en garderie n’est plus une option, explique-t-elle. « J’avais accumulé tellement d’amertume… »
Pour plusieurs, la décision a été dure et la culpabilité reste. Pendant des mois, Josée Therrien a ruminé avant de faire le grand saut. « Le plus difficile, c’était de me dire : le petit peu que tu pouvais faire, c’était déjà ça. »