Un premier accident lui avait déjà fait peur
Un grand-père songeait à quitter les chantiers avant d’être fauché au travail
DRUMMONDVILLE | Un grand-père happé il y a près d’un an sur un chantier du Centre-du-Québec songeait à quitter le métier de signaleur routier après avoir subi un premier accident, quelques mois avant son décès.
« Il commençait à dire qu’il voulait retourner souder, après s’être fait rentrer dedans, quand il était dans le camion atténuateur d’impact, en début d’été », se remémore Nicholas Beaulieu, 28 ans.
« Le pick-up avait arraché son miroir et mon père avait eu la chienne », poursuit-il.
Quelques mois plus tard, au petit matin du 21 septembre 2020, Sylvain Beaulieu, 53 ans, a été happé mortellement par un automobiliste sur un chantier de l’autoroute 20, à la hauteur de Sainte-Eulalie.
À ce moment, il aidait un opérateur de chariot élévateur à aligner des glissières de béton, et s’est déplacé près de la voie.
L’automobiliste qui l’a heurté, Éric De Champlain Blais, ne s’est pas arrêté. Il a depuis été accusé de conduite avec les capacités affaiblies et de délit de fuite ayant causé la mort.
Dans son rapport d’enquête, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a établi notamment que « la planification des travaux d’installation des glissières en béton pour chantiers en contexte autoroutier était déficiente et exposait le travailleur à un danger de heurt ».
« LE PLUS SÉCURITAIRE »
En deux ans de travail à titre de signaleur, M. Beaulieu n’en était pas à son premier accident. Or, il en était à sa première nuit comme installateur. « Mais c’était l’homme le plus sécuritaire. Il prenait son temps et faisait les choses comme il faut », précise son fils, Nicholas Beaulieu.
« C’était le pilier de la famille », ajoute avec émotion son autre garçon, Andrew Beaulieu, 24 ans, qui parlait quotidiennement au téléphone avec son père.
« RÉVOLTANT »
Quand on leur parle des tristes statistiques concernant le nombre de signaleurs blessés l’an dernier, les enfants du défunt sont unanimes.
« C’est révoltant », lance la fille de la victime, Jessica Beaulieu, 34 ans.
« Après le premier blessé, [les décideurs] auraient pu prendre des dispositions. Là, papa est mort, poursuit-elle. Il faut que ça bouge, que les gens comprennent. »
« On va attendre quoi pour que ça change ? Qu’il y en ait des milliers qui meurent ? », ajoute Nicholas Beaulieu.
« Il faut changer la loi pour que la zone tampon – pour protéger les travailleurs – soit obligatoire partout où il est possible de la mettre », suggère-t-il.
D’après ce que rapportait leur père, il n’est pas rare que les travailleurs doivent faire des quarts de plus de 12 h, ce que les Beaulieu considèrent comme « inacceptable ». Leur père racontait que les employeurs forceraient « les gars » à faire des manoeuvres qu’ils ne doivent pas faire, « sinon, ils ne les rappellent pas », déplorent-ils.
Les enfants du quinquagénaire croient que l’ajout de radars aux extrémités des chantiers serait bénéfique à la sécurité.