17 travailleurs tués depuis 2008
Au moins 17 travailleurs en signalisation routière ont perdu la vie sur des chantiers depuis 2008, dénoncent collègues, familles et experts en sécurité routière.
« 17 morts, c’est trop. Un, c’est déjà trop. Il faut que ça change [...] Nous sommes des humains. Nous ne sommes pas des cônes orange », lance Jean-François Dionne, président de l’Association des travailleurs en signalisation routière du Québec, qui compile ce bilan.
Un sentiment partagé par les familles de trois victimes (voir pages 38 et 39).
La plupart de ces 17 morts sont survenues lors d’impacts entre un véhicule et le travailleur en fonction, selon des rapports de coroners consultés par Le Journal.
Et le comportement d’automobilistes n’est pas étranger à ce triste bilan. Par exemple, Michel Carmel, 60 ans, a été happé par une conductrice impatiente en Estrie, en 2017, qui a ensuite fui les lieux.
Un drame semblable s’est produit sept ans plus tôt sur la route 117, dans le parc de La Vérendrye. Stéphan Labelle, 43 ans, y a perdu la vie, en 2010.
SIGNALISATION ET FORMATION
Mais la conduite dangereuse de certains automobilistes n’est pas l’unique raison expliquant ce bilan. Dans certains cas, les rapports d’enquête soulignent la signalisation déficiente aux abords des chantiers.
Ainsi, Stéphane Lapointe, 35 ans, s’est fait frapper par un automobiliste qui a dit ne pas l’avoir vu, en septembre 2012, en Abitibi-Témiscamingue.
« Il n’y [avait] pas suffisamment de repères visuels, ni de réduction de vitesse, ni de barrière pour fermer la voie où [étaient] réalisés les travaux », note le coroner.
L’inexpérience et la formation inadéquate du travailleur font aussi partie des causes ayant contribué au décès de certains travailleurs, a noté la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), peut-on lire dans les rapports.
Ainsi, le débutant Robert Shonfield a voulu bien faire en guidant un camionneur dans une manoeuvre de recul alors que sa formation ne lui permettait pas d’en faire autant. C’est dans ce contexte qu’il est mort à Sainte-Clotilde, en 2019.
INACCEPTABLE
Dans tous les cas, « ce n’est pas normal que des gens décèdent alors qu’ils sont en train de travailler, lance Marie-Soleil Cloutier, professeure à l’Institut national de la recherche scientifique et experte en sécurité routière. Ce n’est pas acceptable. »
Le dernier décès en date est celui de Pascal Cauchon, 39 ans. Le 8 avril dernier, il a été happé par un train routier sur l’autoroute 20, à la hauteur de Saint-de-Wendover, au Centre-du-Québec, alors qu’il installait de la signalisation.
Sa mort a semé une telle consternation chez les travailleurs que plus de deux cents d’entre eux ont manifesté devant l’Assemblée nationale quelques jours plus tard.
Ces derniers désiraient rendre hommage à leur collègue, mais aussi réclamer des changements de la part des élus (voir page 41).
En plus des morts, pas moins de 104 travailleurs ont été blessés en chantier l’an dernier seulement, selon les plus récentes données de la CNESST. En 2016, on en comptait moins de la moitié, soit 47 blessés.
M. Dionne est convaincu que ces statistiques font du métier de travailleur routier l’un des, sinon le plus dangereux au Québec.
La CNESST a refusé de nous accorder une entrevue dans le cadre de ce dossier.